Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/502

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Et cette foi n’a rien qui me puisse ébranler,
Quand la main seule a droit de me faire parler.

PACORUS.

La main seule en a droit ! Quand cent troubles m’agitent,
650Que la haine, l’amour, l’honneur me sollicitent,
Qu’à l’ardeur de punir je m’abandonne en vain,
Hélas ! suis-je en état de vous donner la main ?

PALMIS.

Et moi, sans cette main, Seigneur, suis-je maîtresse
De ce que m’a daigné confier la princesse,
655Du secret de son cœur ? Pour le tirer de moi,
Il me faut vous devoir plus que je ne lui dois,
Être une autre vous-même[1] ; et le seul hyménée
Peut rompre le silence où je suis enchaînée.

PACORUS.

Ah ! vous ne m’aimez plus.

PALMIS.

Ah ! vous ne m’aimez plus.Je voudrois le pouvoir ;
660Mais pour ne plus aimer que sert de le vouloir ?
J’ai pour vous trop d’amour, et je le sens renaître
Et plus tendre et plus fort qu’il n’a dû jamais être.
Mais si…

PACORUS.

Mais si…Ne m’aimez plus, ou nommez ce rival.

PALMIS.

Me préserve le ciel de vous aimer si mal !
665Ce seroit vous livrer à des guerres nouvelles,
Allumer entre vous des haines immortelles…

PACORUS.

Que m’importe ? et qu’aurai-je à redouter de lui,
Tant que je me verrai Suréna pour appui ?
Quel qu’il soit, ce rival, il sera seul à plaindre :
670Le vainqueur des Romains n’a point de rois à craindre.

  1. On lit : « un autre vous-même, » dans l’édition de 1692. Voltaire a conservé la leçon des éditions antérieures : « une autre. »