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Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/514

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Et qui surtout n’ait rien à me rendre jaloux :
Mon âme avec chagrin sur ce point balancée
950En veut, et dès demain, être débarrassée.

SURÉNA.

Seigneur, je n’aime rien.

ORODE.

Seigneur, je n’aime rien.Que vous aimiez ou non,
Faites un choix vous-même, ou souffrez-en le don.

SURÉNA.

Mais si j’aime en tel lieu qu’il m’en faille avoir honte,
Du secret de mon cœur puis-je vous rendre conte ?

ORODE.

955À demain, Suréna. S’il se peut, dès ce jour,
Résolvons cet hymen avec ou sans amour.
Cependant allez voir la princesse Eurydice ;
Sous les lois du devoir ramenez son caprice ;
Et ne m’obligez point à faire à ses appas
960Un compliment de roi qui ne lui plairoit pas.
Palmis vient par mon ordre, et je veux en apprendre
Dans vos prétentions la part qu’elle aime à prendre.



Scène III.

ORODE, PALMIS.
ORODE.

Suréna m’a surpris, et je n’aurois pas dit
Qu’avec tant de valeur il eût eu tant d’esprit[1] ;
965Mais moins on le prévoit, et plus cet esprit brille :
Il trouve des raisons à refuser ma fille,
Mais fortes, et qui même ont si bien succédé,
Que s’en disant indigne il m’a persuadé.
Savez-vous ce qu’il aime ? Il est hors d’apparence

  1. Dans l’édition de 1692 : « on eût eu tant d’esprit. »