jaloux,
Immolez cette part trop indigne de vous ;
Sauvez-la par sa perte ; ou, si quelque tendresse
À ce bras généreux imprime sa faiblesse,
Si du sang d’une fille il craint de se rougir,
Armez, armez le mien, et le laissez agir.
Ma loi me le défend, mais mon Dieu me l’inspire :
Il parle, et j’obéis à son secret empire
Et, contre l’ordre exprès de son commandement,
Je sens que c’est de lui que vient ce mouvement.
Pour le suivre, Seigneur, souffrez que votre épée
Me puisse…
Placide
Oui, vous l’aurez, mais dans mon sang trempée,
Et votre bras du moins en recevra du mien
Le glorieux exemple avant que le moyen.
Théodore
Ah ! Ce n’est pas pour vous un mouvement à suivre :
C’est à moi de mourir, mais c’est à vous de vivre.
Placide
Ah ! Faites-moi donc vivre, ou me laissez mourir :
Cessez de me tuer, ou de me secourir.
Puisque vous n’écoutez ni mes vœux, ni mes larmes,
Puisque la mort pour vous a plus que moi de charmes,
Souffrez que ce trépas, que vous trouvez si doux,
Ait à son tour pour moi plus de douceur que vous.
Puis-je vivre et vous voir morte ou déshonorée,
Vous, que de tout mon cœur j’ai toujours adorée,
Vous, qui de mon destin réglez le triste cours,
Vous, dis-je, à qui j’attache et ma gloire et mes jours ?
Non, non, s’il vous faut voir déshonorée ou morte,
Souffrez un désespoir où la raison me porte ;
Renoncer à la vie avant de tels malheurs,
Ce n’est que prévenir l’effet de mes douleurs.
En ces extrémités je vous conjure encore,
Non par ce zèle ardent d’un cœur qui vous adore,
Non par ce vain éclat de tant de dignités,
Trop au-dessous du sang des rois dont vous sortez,
Non par ce désespoir où vous poussez ma vie,
Mais par la sainte horreur que vous fait l’infamie,
Par ce Dieu que j’ignore, et pour qui vous vivez,
Et par ce même bien que vous lui conservez,
Daignez en éviter la perte irréparable,
Et sous les saints liens d’un nœud si vénérable
Mettez en sûreté ce qu’on va nous ravir.
Théodore
Vous n’êtes pas celui dont Dieu s’y veut servir :
Il saura bien sans vous en susciter un autre,
Dont le bras, moins puissant, mais plus saint que le vôtre,
Par un zèle plus pur se fera mon appui,
Sans porter ses désirs sur un bien tout à lui.
Mais parlez à Marcelle.
Scène IV
Marcelle, Placide, Théodore, Paulin, Stéphanie
Placide
Ah ! Dieux ! Quelle infortune !
Faut-il qu’à tous moments…
Marcelle
Je vous suis importune
De mêler ma présence aux secrets des amants,
Qui n’ont jamais besoin de pareils truchements.
Paulin
no match
Madame, on m’a forcé de puissance absolue.
Marcelle, à Paulin.
L’ayant soufferte ainsi, vous l’avez bien voulue.
Ne me répliquez plus, et me la renfermez.
Scène V
Marcelle, Placide, Stéphanie
Marcelle
Ainsi donc vos désirs en sont toujours charmés ?
Et quand un juste arrêt la couvre d’infamie,
Comme de tout l’empire et des dieux ennemie,
Au milieu de sa honte elle plaît à vos yeux,
Et vous fait l’ennemi de l’empire et des dieux
Tant les illustres noms d’infâme et de rebelle
Vous semblent précieux à les porter pour elle !
Vous trouvez, je m’assure, en un si digne lieu
Cet objet de vos vœux encor digne d’un dieu ?
J’ai conservé son sang de peur de vous déplaire
Et pour ne forcer pas votre juste colère
À ce serment conçu par tous les immortels
De venger son trépas jusque sur les autels.
Vous vous étiez par là fait une loi si dure
Que sans moi vous seriez sacrilège ou parjure ;
Je vous en ai fait grâce en lui laissant le jour
Et j’épargne du moins un crime à votre amour.
Placide
Triomphez-en dans l’âme, et tâchez de paraître
Moins insensible aux maux que vous avez fait