Page:Corneille - Œuvres complètes Didot 1855 tome 1.djvu/91

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upplices !

Et qu’après avoir tant duré,

La peine qui n’est plus augmente nos délices !

Qu’un si doux souvenir

M’apprête à l’avenir

D’amoureuses tendresses !

Que mes malheurs finis auront de volupté !

Et que j’estimerai chèrement ces caresses

Qui m’auront tant coûté !

Mon heur me semble sans pareil ;

Depuis qu’en liberté notre amour m’en assure,

Je ne crois pas que le soleil…

Scène IX

Célidan, Alcidon, Clarice, la Nourrice

Célidan dit ces mots derrière le théâtre.

Cocher, attends-nous là.

Clarice

D’où provient ce murmure ?

Alcidon

Il est temps d’avancer ; baissons le tapabord,

Moins nous ferons de bruit, moins il faudra d’effort.

Clarice

Aux voleurs ! au secours !

La Nourrice

Quoi ! des voleurs, madame ?

Clarice

Oui, des voleurs, nourrice.

La nourrice embrasse les genoux de Clarice et l’empêche de fuir.

Ah ! de frayeur je pâme.

Clarice

Laisse-moi, misérable !

Célidan

Allons, il faut marcher,

Madame ; vous viendrez.

Clarice

(Célidan lui met la main sur la bouche.)

Aux vo…

Celidan

(Il dit ces mots derrière le théâtre.)

Touche, cocher.

Scène X

La Nourrice, Doraste, Polymas, Listor

La Nourrice, seule.

Sortons de pâmoison, reprenons la parole ;

Il nous faut à grands cris jouer un autre rôle.

Ou je n’y connais rien, ou j’ai bien pris mon temps :

Ils n’en seront pas tous également contents ;

Et Philiste demain, cette nouvelle sue,

Sera de belle humeur, ou je suis fort déçue.

Mais par où vont nos gens ? Voyons, qu’en sûreté

Je fasse aller après par un autre côté.

À présent il est temps que ma voix s’évertue.

Aux armes ! aux voleurs ! on m’égorge, on me tue,

On enlève Madame ! Amis, secourez-nous !

À la force ! aux brigands ! au meurtre ! Accourez tous,

Doraste, Polymas, Listor !

Polymas

Qu’as-tu, nourrice ?

La Nourrice

Des voleurs…

Polymas

Qu’ont-ils fait ?

La Nourrice

Ils ont ravi Clarice.

Polymas

Comment ? ravi Clarice ?

La Nourrice

Oui. Suivez promptement.

Bons dieux ! que j’ai reçu de coups en un moment !

Doraste

Suivons-les : mais dis-nous la route qu’ils ont prise.

La Nourrice

Ils vont tout droit par là. Le ciel vous favorise !

(Elle est seule.)

Oh, qu’ils en vont abattre ! ils sont morts, c’en est fait ;

Et leur sang, autant vaut, a lavé leur forfait.

Pourvu que le bonheur à leurs souhaits réponde,

Ils les rencontreront s’ils font le tour du monde.

Quant à nous cependant subornons quelques pleurs

Qui servent de témoins à nos fausses douleurs.

Acte IV

Scène première

Philiste, Lycas

Philiste

Des voleurs cette nuit ont enlevé Clarice !

Quelle preuve en as-tu ? quel témoin ? quel indice ?

Ton rapport n’est fondé que sur quelque faux bruit.

Lycas

Je n’en suis par les yeux, hélas ! que trop instruit ;

Les cris de sa nourrice en sa maison déserte

M’ont trop suffisamment assuré de sa perte ;

Seule en ce grand logis, elle court haut et bas,

Elle renverse tout ce qui s’offre à ses pas,

Et sur ceux qu’elle voit frappe sans reconnaître ;