Qu’en votre cœur mes yeux s’étaient fait un empire ?
Non que j’y pense encor ; j’apprends de vous, Seigneur,
Qu’on change avec le temps, d’âme, d’yeux et de cœur.
Rappelez ces beaux jours pour me parler sans feindre ;
Mais si vous le pouvez, Madame, épargnez-moi.
Ce serait sans raison que j’oserais m’en plaindre :
L’amour doit être libre, et vous êtes mon roi.
Mais puisque jusqu’à vous vous m’avez fait prétendre,
N’obligez point, Seigneur, cet espoir à descendre,
Et ne me faites point de lois
Qui profanent l’honneur de votre premier choix.
J’y trouvais pour moi tant de gloire,
J’en chéris à tel point la flatteuse mémoire,
Que je regarderais comme un indigne époux
Quiconque m’offrirait un moindre rang que vous.
Si cet orgueil a quelque crime,
Il n’en faut accuser que votre trop d’estime :
Ce sont des sentiments que je ne puis trahir.
Après cela, parlez ; c’est à moi d’obéir.
Je parlerai, Madame, avec même franchise.
J’aime à voir cet orgueil que mon choix autorise
À dédaigner les vœux de tout autre qu’un roi :
J’aime cette hauteur en un jeune courage ;
Et vous n’aurez point lieu de vous plaindre de moi,
Si votre heureux destin dépend de mon suffrage.
Scène IX
Seigneur, à vos bontés nous venons consacrer,
Et Mandane et moi, notre vie.
De pareilles faveurs, Seigneur, nous font rentrer
Pour vous faire voir même envie.
Je vous ai fait justice à tous,
Et je crois que ce jour vous doit être assez doux,
Qui de tous vos souhaits à votre gré décide ;
Mais pour le rendre encor plus doux et plus charmant,
Sachez que Sparte voit sa reine en Aglatide,
À qui le ciel en moi rend son premier amant.
C’est me faire, Seigneur, des surprises nouvelles.
Rendons nos cœurs, Madame, à des flammes si belles ;
Et tous ensemble allons préparer ce beau jour
Qui par un triple hymen couronnera l’amour !