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qui s’évanoüit en l’air en fort peu de temps. Le Laiteron que les Grecs nomment σόγχοζ, est hepatique, stomachique, & nephritique, & il attenuë la bile crasse. Son suc a la faculté de faire venir le lait aux femmes avec abondance. On s’en sert dans les fievres bilieuses.

LAITEUX, euse. On appelle Plantes laiteuses, certaines plantes qui rendent un suc semblable à du lait.

Il y a dans les Antilles, en plusieurs endroits, principalement sur les roches & dans les lieux secs & pierreux, un arbre que les habitans appellent Arbre laiteux, à cause que quand on l’incise il rend plus de lait que ne feroit une bonne vache. On tient que ce lait est caustique & dangereux. L’arbre est si tendre, qu’on casse ses branches en le branslant, ainsi elles sautent toutes en pieces si l’on y donne un coup de baston. Il croist gros comme la jambe, fort égal depuis le bas jusqu’à sa cime, & haut de deux piques. L’extremité de ses branches qui sont fort courtes, est plus grosse que le milieu. Il porte au bout de chaque branche une vingtaine de fleurs blanches d’assez bonne odeur, & qui ressemblent à celles du jasmin. Elles sont beaucoup plus grandes, & à leur cheute quinze ou vingt feüilles croissent au mesme endroit, longues de deux pieds, & larges de quatre doigts, qui finissent en pointe, en sorte qu’on les prendroit pour des lames de poignard.

Les Lapidaires appellent Turquoise laiteuse, celle dont la couleur n’en est pas belle.

LAITIER. s. m. Espece d’écume qui sort des fourneaux à faire le fer. Elle vient des terres & des crayes qu’on met pour aider à la fonte de la mine.

LAITON. s. m. Metal factice qui se fait avec du cuivre rouge, qu’on appelle Cuivre de rosette, quand il est pur, & qui devient jaune, lors qu’il a esté fondu avec la calamine, laquelle est un mineral qui ne sert qu’à donner la teinture jaune au cuivre rouge, à en augmenter le poids, & à le rendre plus solide & plus compacte. On écrit aussi Leton. Les uns le font venir du Flaman Latœn, & les autres de l’Anglois Latten. Il y en a qui le dérivent du Latin Electum, comme estant un metal choisi & fait exprés.

LAITUE. s. f. Herbe qui est cultivée dans les jardins, & qui tient le premier rang entre les herbes potageres. On s’en sert aussi dans les salades. Ses feüilles rafraischissent, humectent & empeschent les songes fascheux. Sa semence est bonne pour remedier à l’ardeur d’urine, pour appaiser la soif & faire dormir. Il y a une autre Laituë appellée Sauvage, qui ressemble à la Laituë domestique, non seulement en fleurs & en feüilles, mais aussi en graine. Toute la difference qui s’y trouve, c’est qu’elle est amere au goust, & toute pleine de lait. On tient que ce lait est bon aux hydropiques, qu’il nettoye la maille de l’œil, & qu’il en chasse les broüillards & les ébloüissemens lors qu’il est meslé avec du lait de femme. Il y a encore une espece de Laituë fort estimée, qu’on appelle Laituë Romaine. Elle est plus tendre & plus blanche que les autres, & mesme lors qu’on l’envelope de terre jusques à la cime. Sa tige est pleine de lait, branchuë, & munie de feüilles, qui vont en aiguisant, & qui estant vieilles deviennent ameres. Ses fleurs sont jaunes, & avec le temps s’évanoüissent en l’air. Sa graine est longuette, pointuë, blanche & quelquefois noire. Ces sortes de Laituës sortent quatre ou cinq jours aprés qu’elles ont esté semées ; & quand elles sont sorties on peut les transporter d’un lieu à un autre.



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LAMANAGE. s. m. Terme de Marine. Travail des Mariniers qui conduisent les Vaisseaux quand ils sortent d’un port, ou quand ils y entrent.

LAMANEUR. s. m. Pilote qui residant dans un port dont il connoist les entrées & les issuës, conduit les Vaisseaux qui ont besoin d’y entrer ou d’en sortir, & leur fait éviter tous les dangers du parage. Il y a aussi des Lamaneurs pour les rivieres ; ils conduisent les Vaisseaux dans leurs embouchures ; & comme les bancs & les syrtes y changent de place presque tous les ans par la force de l’Ocean & des eaux d’amont, on a besoin d’y avoir de semblables guides. Ils ont un salaire reglé pour cela par l’Ordonnance qui les condamne au foüet si leur manque de sçavoir fait échoüer un Vaisseau ; & s’ils le font par malice, ils sont pendus à un mast. On les appelle aussi Locmans ou Lomens, du mot Lomen, Guide. Quelques-uns pretendent que l’on ait dit Lamaneur, comme Laborans manu, Travaillant de la main, à cause que ces sortes de Pilotes se servent souvent de crocs, de harpins, de cordes, & d’avirons pour faire passer le Vaisseau par les endroits qui sont sans danger. D’autres le font venir de Loman, qui en bas Breton signifie Maistre de Navire.

LAMANTIN. s. m. Poisson entierement inconnu en Europe, & dont il y a un grand nombre dans la riviere des Amazones, qui est à la partie meridionale de l’Amerique. Il vient avec l’âge à une telle grandeur, qu’on en a veu qui avoient jusqu’à dix-huit pieds de long, & sept de grosseur au milieu du corps. Il a la teste comme celle d’une taupe, & son museau ne differe en rien de celuy d’un bœuf. Ses yeux sont semblables a ceux d’un porc, & ses machoires à celles d’un cheval. Il n’a point de dents devant, mais seulement une callosité dure comme un os avec quoy il pince l’herbe. Il a trente deux dents molaires aux costez des deux machoires, & est sans oreilles, mais en leur place, il a deux petits pertuis où à peine pourroit-on fourrer le doigt. Il entend si clair par ces pertuis que la subtilité de son oüie supplée suffisamment au defaut de sa veuë qu’il a tres-foible, ses yeux ayant peu d’humeur & point d’iris, & ses nerfs optiques estant tres-petits. Cet animal est sans langue. Il a sa trachée artere, & son œsophage comme les a une vache, & le poumon, le cœur, le foye, la panse, les boyaux, la ratte, le diaphragme, le mediastin, & le mesentere comme la tortuë. Son sang n’est ny chaud ny froid, & ne se fige jamais. Au defaut de sa teste, il a sous le ventre deux petites pates en forme de mains, chacune ayant quatre doigts fort courts & onglez ; ce qui a fait que les Espagnols l’ont appellé Manati. Il appetisse tout d’un coup depuis le nombril, & ce qui reste de son corps, est ce qui forme sa queuë, laquelle est faite en pelle de four. Elle est large d’un pied & demy, épaisse de cinq à six pouces, toute composée de graisse & de nerfs, & revestuë de la mesme peau de son corps, qui est de couleur brune, ridée en quelques endroits, & parsemée fort clairement d’un poil de couleur d’ardoise, & fort semblable à celuy du loup marin. Cette peau qui est plus épaisse que celle d’un bœuf luy tient lieu d’écailles. Quand elle est seche, elle s’endurcit de telle sorte qu’elle peut servir de rondache impenetrable aux fleches des Indiens, ce qui fait que quelques Sauvages allant au combat s’en couvrent le corps pour parer les traits de leurs Ennemis. La chair du Lamantin a le goust de celle du veau, mais elle est beaucoup plus fer-


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