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garnissoient sa gueule, qui estoit assez fenduë. Celles de devant estoient pointuées & extremement tranchantes, & celles de derriere dans les deux machoires, larges & relevées par petites bosses. Il avoit une langue d'une épaisseur & d'une longueur proportionnée & couverte d'une peau rude & vermeille. Ce qu'il avoit encore de particulier sur sa teste, c'estoit une maniere de couronne faite en ovale, rehaussée de deux pouces par dessus le reste du cuir, & dont les extremitez aboutissoient en pointe. Plus de trois cens personnes de l'Isle, qui mangerent de sa chair en abondance, la trouverent d'un excellent goust & fort délicate. Elle estoit entrelardée d'une graisse blanche, & estant cuite, elle se levoit par écailles ainsi que la moruë fraische. Pour venir à bout de ce poisson, il fallut luy rompre l'échine à coups de levier. Il manioit & tournoit sa corne de toutes parts, avec une dexterité & une vistesse inconcevable, faisant des efforts prodigieux pour en percer ceux qui en vouloient à sa vie, mais le manque d'eau ne le laissoit pas en pouvoir de s'avancer. Aprés qu'on l'eut eventré, on trouva dans ses boyaux quantité d'écailles de poissons, ce qui fit connoistre qu'il se nourrissoit de proye.

On trouve en la mer du Nord une autre espece de Licornes, que les glaces poussent souvent aux costes d'Islande. Leur prodigieuse longueur & grosseur est cause que la pluspart des Auteurs qui en ont écrit, les mettent au rang des baleines. Leur peau est noire & dure comme celle du Lamantin, sans aucune écaille, & elles ont seulement deux nageoires aux costez avec une grande & large empennure sur le dos, qui estant plus étroite au milieu, fait comme une double creste, qui s'éleve en une forme tres propre pour fendre les eaux commodément. A la naissance de leur dos, il y a trois trous en forme de soupiraux, par où elles vomissent en haut les eaux superfluës qu'elles ont avalées. Leur teste se termine en pointe, & au costé gauche de la machoire d'enhaut, elle est munie d'une corne blanche par tout comme la dent d'un jeune Elefant. Cette corne, qui est torse en quelques endroits, & rayée par tout de petites lignes de couleur de gris de perle, s'avance quelquefois de la longueur de quinze à seize pieds hors de la teste. Les lignes qu'on y remarque ne sont pas seulement en la superficie, mais elles penetrent au dedans de la masse qui est creuse jusqu'au tiers, & par tout aussi solide que l'os le plus dur. Quelques-uns prennent cette prominence pour une dent plustost que pour une corne, à cause qu'elle ne sort ny du front ny du dessus de la teste comme celle des Taureaux & des Beliers, mais de la machoire d'en haut, dans laquelle le bout en est enchassé. Ce poisson s'en sert pour combattre contre les baleines, & pour briser les glaces du Nord, dans lesquelles bien souvent il se trouve enveloppé.

LICTEUR. s. m. Sorte d'Executeur qui marchoit devant les Magistrats Romains, portant des haches envelopées dans des faisceaux de verges. Les Licteurs furent instituez par Romulus, & ils estoient toûjours prests à délier leurs faisceaux, soit pour foüeter, soit pour trancher la teste à ceux que l'on avoit condamnez. Les Consuls ne marchoient jamais qu'ils n'en eussent douze. Les Proconsuls, & autres n'en avoient que six. Le nom de Licteur leur fut donné du mot Ligare, Lier, à cause qu'avant que d'executer les Criminels, ils leur lioient les mains & les pieds.

LID

LIDE.

s. m. Sorte d'ancienne machine de guerre. C'é-


toit une longue poutre retenuë par un contrepoids, qui estant lasché, luy faisoit jetter un tas de pierres dans les Villes assiegées. On a dit aussi Clide.

LIE

LIE.

adj. Vieux mot. Joyeux. On a dit aussi Lié dans le mesme sens, de l'Italien Lieto, formé du Latin Laetus. C'est de là qu'est venu le mot de Liesse, qui veut dire, Joye.

Madame seroit moult liée

Si elle estoit bien employée.

On a dit aussi Liement, pour, Joyeusement. On s'est encore servy autrefois du mot de Lie, pour dire, Costé, & pour signifier le pronom Elle.

LIÉ,

ée. adj. Terme de Blason. Il se dit non seulement des cercles des tonneaux quand l'osier qui les tient est d'un autre émail, mais aussi de toutes les choses attachées. D'or à deux masses d'armes en sautoir de sable liées de gueules.

LIEGE.

s. m. Arbre semblable en fruit & en feüilles à l'Yeuse, mais qui est moins haut. Il est toûjours vert, quoyque Theophraste dise le contraire, & a une écorce fort épaisse. On trouve quantité de ces arbres sur le grand chemin de Baccano à Rome, comme le témoigne Matthiole. Ils ne croissent pas neanmoins par toute l'Italie au rapport de Pline, & absolument il n'y en a point en France. Il s'en trouve de deux sortes, l'un à feüilles longues & pointuës, l'autre à feüilles courtes, & faites plus en arrondissant. Celles-là sont aussi dentelées & épineuses en quelques endroits. On en voit beaucoup de l'un dans la Romagne, & de l'autre, dans le Territoire de Pise. Cet arbre estant dépoüillé de son écorce, ne meurt pas comme font les autres arbres. Il a une seconde écorce qui est fort legere, & dont on se sert pour mettre sous des pantoufles & sous des patins. On s'en sert aussi pour soustenir les filets des pescheurs sur l'eau. Pline dit que le Liege produit un gland rare & spongieux qui ne vaut rien, & que son bois ne se corrompt que par un long-temps. L'écorce de Liege pulverisée, & bûë en eau chaude, a la vertu d'étancher le sang de quelque part qu'il vienne, & la cendre de cet arbre prise en breuvage avec du vin chaud, est un remede excellent pour ceux qui crachent le sang. Quelques-uns font venir le mot de Liege du Latin, Levis, Leger, à cause que l'écorce de cet arbre est extremement legere.

LIEGER.

v. a. Les Pescheurs disent, Lieger un filet, pour dire, Le garnir de morceaux de liege qui le tiennent suspendu dans l'eau par le haut.

LIEN.

s. m. Ce qui sert à lier une ou plusieurs choses. Acad. Fr. Les Charpentiers appellent Liens, des morceaux de bois qui ont un tenon à chaque bout, & qui estant chevillez dans les mortoises, entretiennent la charpenterie en tirant, de mesme que les Esseliers l'entretiennent en resistant. On appelle Liens, dans un Engin les bras qui sont posez par en bas aux deux extremitez de la sole, & par en haut dans un bossage qui est un peu plus bas que la sellette. Les liens dans une Gruë, sont aussi les bras qui appuyent l'arbre. Ils sont au nombre de huit, assemblez par le bas dans l'extremité des racineaux, & par le haut contre l'arbre avec tenons & mortoises avec abouts.

Lien de fer. Morceau de fer méplat qui est coudé ou cintré. Il sert à retenir une piece de bois dans un assemblage de Charpenterie, ou de Menuiserie.

Lien de verre. Terme de Vitrier. Paquet de six tables de verre blanc. Chaque table a deux pieds & demy de verre en quarré ou environ. Il y a vingt-cinq Liens à chaque balot de verre. Quand le ver-

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