Page:Corneille - Horace, 1641.djvu/100

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Non que nos cœurs jaloux de ses honneurs s’irritent ;
S’il en reçoit beaucoup, ses hauts faits le méritent ;
Ajoutez-y plutôt que d’en diminuer :
Nous sommes tous encor prêts d’y contribuer ;
Mais puisque d’un tel crime il s’est montré capable,
Qu’il triomphe en vainqueur, et périsse en coupable.
Arrêtez sa fureur, et sauvez de ses mains,
Si vous voulez régner, le reste des Romains :
Il y va de la perte ou du salut du reste.
La guerre avait un cours si sanglant, si funeste,
Et les nœuds de l’hymen, durant nos bons destins,
Ont tant de fois uni des peuples si voisins,
Qu’il est peu de Romains que le parti contraire
N’intéresse en la mort d’un gendre ou d’un beau-frère,
Et qui ne soient forcés de donner quelques pleurs,
Dans le bonheur public, à leurs propres malheurs.
Si c’est offenser Rome, et que l’heur de ses armes
L’autorise à punir ce crime de nos larmes,
Quel sang épargnera ce barbare vainqueur,
Qui ne pardonne pas à celui de sa sœur,
Et ne peut excuser cette douleur pressante
Que la mort d’un amant jette au cœur d’une amante,
Quand près d’être éclairés du nuptial flambeau,
Elle voit avec lui son espoir au tombeau ?
Faisant triompher Rome, il se l’est asservie ;
Il a sur nous un droit et de mort et de vie ;