Page:Corneille - Horace, 1641.djvu/64

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Ce que peut le caprice, osez-le par raison,
Et laissez votre sang hors de comparaison :
C’est crime qu’opposer des liens volontaires
À ceux que la naissance a rendus nécessaires.
Si donc le ciel s’obstine à nous persécuter,
Seule j’ai tout à craindre, et rien à souhaiter ;
Mais pour vous, le devoir vous donne, dans vos plaintes,
Où porter vos souhaits et terminer vos craintes.


CAMILLE.

Je le vois bien, ma sœur, vous n’aimâtes jamais ;
Vous ne connaissez point ni l’amour ni ses traits :
On peut lui résister quand il commence à naître,
Mais non pas le bannir quand il s’est rendu maître,
Et que l’aveu d’un père, engageant notre foi,
A fait de ce tyran un légitime roi :
Il entre avec douceur, mais il règne par force ;
Et quand l’âme une fois a goûté son amorce,
Vouloir ne plus aimer, c’est ce qu’elle ne peut,
Puisqu’elle ne peut plus vouloir que ce qu’il veut :
Ses chaînes sont pour nous aussi fortes que belles.