Page:Corneille - Horace, 1641.djvu/93

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Mais enfin je renonce à la vertu romaine,
Si pour la posséder je dois être inhumaine ;
Et ne puis voir en moi la femme du vainqueur
Sans y voir des vaincus la déplorable sœur.
Prenons part en public aux victoires publiques ;
Pleurons dans la maison nos malheurs domestiques,
Et ne regardons point des biens communs à tous,
Quand nous voyons des maux qui ne sont que pour nous.
Pourquoi veux-tu, cruel, agir d’une autre sorte ?
Laisse en entrant ici tes lauriers à la porte ;
Mêle tes pleurs aux miens. Quoi ? Ces lâches discours
N’arment point ta vertu contre mes tristes jours ?
Mon crime redoublé n’émeut point ta colère ?
Que Camille est heureuse ! Elle a pu te déplaire ;
Elle a reçu de toi ce qu’elle a prétendu,
Et recouvre là-bas tout ce qu’elle a perdu.
Cher époux, cher auteur du tourment qui me presse,
Écoute la pitié, si ta colère cesse ;
Exerce l’une ou l’autre, après de tels malheurs,
À punir ma faiblesse, ou finir mes douleurs :
Je demande la mort pour grâce, ou pour supplice ;
Qu’elle soit un effet d’amour ou de justice,
N’importe : tous ses traits n’auront rien que de doux,
Si je les vois partir de la main d’un époux.