Qu’en un cloître sacré je pleure incessamment,
Jusqu’au dernier soupir, mon père et mon amant.
Enfin elle aime, Sire, et ne croit plus un crime
D’avouer par sa bouche un amour légitime.
Chimène, sors d’erreur, ton amant n’est pas mort,
Et don Sanche vaincu t’a fait un faux rapport.
Sire, un peu trop d’ardeur, malgré moi l’a déçue :
Je venais du combat lui raconter l’issue.
Ce généreux guerrier, dont son cœur est charmé :
« Ne crains rien, m’a-t-il dit, quand il m’a désarmé ;
Je laisserais plutôt la victoire incertaine,
Que de répandre un sang hasardé pour Chimène ;
Mais puisque mon devoir m’appelle auprès du roi,
Va de notre combat l’entretenir pour moi,
De la part du vainqueur lui porter ton épée. »
Sire, j’y suis venu : cet objet l’a trompée ;
Elle m’a cru vainqueur, me voyant de retour,
Et soudain sa colère a trahi son amour
Avec tant de transport et tant d’impatience,
Que je n’ai pu gagner un moment d’audience.
Pour moi, bien que vaincu, je me répute heureux ;
Et malgré l’intérêt de mon cœur amoureux,
Perdant infiniment, j’aime encor ma défaite,
Qui fait le beau succès d’une amour si parfaite.
Ma fille, il ne faut point rougir d’un si beau feu,
Ni chercher les moyens d’en faire un désaveu.