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Page:Corneille - Le Cid, Searles, 1912.djvu/142

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LE CID

point de communication ni de mesures à prendre avec le reste ; mais il n’en va pas ainsi du combat de don Sanche, dont le roi était le maître, et pouvait lui choisir un autre temps que deux heures après la fuite des Maures. Leur défaite avait assez fatigué Rodrigue toute la nuit pour mériter deux ou trois jours de repos, et même il y avait quelque apparence qu’il n’en était pas échappé sans blessures, quoique je n’en aie rien dit, parce qu’elles n’auraient fait que nuire à la conclusion de l’action.

Cette même règle presse aussi trop Chimène de demander justice au roi la seconde fois. Elle l’avait fait le soir d’auparavant, et n’avait aucun sujet d’y retourner le lendemain matin pour en importuner le roi, dont elle n’avait encore aucun lieu de se plaindre, puisqu’elle ne pouvait encore dire qu’il lui eût manqué de promesse. Le roman lui aurait donné sept ou huit jours de patience, avant que de l’en presser de nouveau ; mais les vingt et quatre heures ne l’ont pas permis. C’est l’incommodité de la règle ; passons à celle de l’unité de lieu, qui ne m’a pas donné moins de gêne en cette pièce. Je l’ai placé dans Séville, bien que don Fernand n’en aie jamais été le maître, et j’ai été obligé à cette falsification, pour former quelque vraisemblance à la descente des Maures, dont l’armée ne pouvait venir si vite par terre que par eau. Je ne voudrais pas assurer toutefois que le flux de la mer monte effectivement jusque-là ; mais comme dans notre Seine il fait encore plus de chemin qu’il ne lui en faut faire sur le Guadalquivir pour battre les murailles de cette ville, cela peut suffire à fonder quelque probabilité parmi nous, pour ceux qui n’ont point été sur le lieu même.

Cette arrivée des Maures ne laisse pas d’avoir ce défaut, que j’ai marqué ailleurs, qu’ils se présentent d’eux-mêmes, sans être appelés dans la pièce, directement ni indirectement, par aucun acteur du premier acte. Ils ont plus de justesse