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Page:Corneille - Le Cid, Searles, 1912.djvu/59

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Chimène

Les accommodements ne font rien en ce point.
De si mortels affronts ne se réparent point.
En vain on fait agir la force ou la prudence :
Si l’on guérit le mal, ce n’est qu’en apparence.
La haine que les cœurs conservent au-dedans
Nourrit des feux cachés, mais d’autant plus ardents.

L’Infante

Le saint nœud qui joindra don Rodrigue et Chimène
Des pères ennemis dissipera la haine ;
Et nous verrons bientôt votre amour le plus fort
Par un heureux hymen étouffer ce discord.

Chimène

Je le souhaite ainsi plus que je ne l’espère :
Don Diègue est trop altier, et je connais mon père.
Je sens couler des pleurs que je veux retenir ;
Le passé me tourmente, et je crains l’avenir.

L’Infante

Que crains-tu ? d’un vieillard l’impuissante faiblesse ?

Chimène

Rodrigue a du courage.

L’Infante

Rodrigue a du courage. Il a trop de jeunesse.

Chimène

Les hommes valeureux le sont du premier coup.

L’Infante

Tu ne dois pas pourtant le redouter beaucoup :
Il est trop amoureux pour te vouloir déplaire,
Et deux mots de ta bouche arrêtent sa colère.