Page:Corneille - Marty-Laveaux 1910 tome 1.djvu/286

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Tu dois être assuré de mon affection,
Et tu perds tout l’effort de ta galanterie,
Si tu crois l’augmenter par une flatterie.
Une fausse louange est un blâme secret :
Je suis belle à tes yeux ; il suffit, sois discret 85 ;
C’est mon plus grand bonheur, et le seul où j’aspire.


PHILANDRE.


Tu sais adroitement adoucir mon martyre 86 ;
Mais parmi les plaisirs qu’avec toi je ressens,
À peine mon esprit ose croire mes sens 87.
Toujours entre la crainte et l’espoir en balance
Car s’il faut que l’amour naisse de ressemblance,
Mes imperfections nous éloignant si fort,
Qu’oserois-je prétendre en ce peu de rapport ?


CLORIS.


Du moins ne prétends pas qu’à présent je te loue,
Et qu’un mépris rusé, que ton cœur désavoue,
Me mette sur la langue un babil affété,
Pour te rendre à mon tour ce que tu m’as prêté :
Au contraire, je veux que tout le monde sache
Que je connois en toi des défauts que je cache.
Quiconque avec raison peut être négligé
À qui le veut aimer est bien plus obligé.


PHILANDRE.


Quant à toi, tu te crois de beaucoup plus aimable ?


CLORIS.


Sans doute ; et qu’aurois-tu qui me fût comparable ?


PHILANDRE.


Regarde dans mes yeux, et reconnois qu’en moi
On peut voir quelque chose aussi parfait que toi 88.


85. Var. Épargne-moi, de grâce, et songe, plus discret,
Qu’étant belle à tes yeux, plus outre je n’aspire. (1633-68)

86. Var. Que tu sais dextrement adoucir mon martyre ! (1633-63)

87. Var. À peine mon esprit ose croire à mes sens. (1633-57)

88. Var. On peut voir quelque chose aussi beau comme toi. (1633-64)