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SCÈNE III.


TIRCIS



Adieu._Tu fuis, perfide, et ta légèreté,
T’ayant fait criminel, te met en sûreté !
Reviens, reviens défendre une place usurpée :
Celle qui te chérit vaut bien un coup d’épée.
Fais voir que l’infidèle, en se donnant à toi,
A fait choix d’un amant qui valoit mieux que moi ;
Soutiens son jugement, et sauve ainsi de blâme
Celle qui pour la tienne a négligé ma flamme.
Crois-tu qu’on la mérite à force de courir ?
Peux-tu m’abandonner ses faveurs sans mourir 209 ?
Ô lettres, ô faveurs indignement placées,
À ma discrétion honteusement laissées !
Ô gages qu’il néglige ainsi que superflus !
Je ne sais qui de nous vous diffamez le plus 210 ;


209. Var. [Peux-tu m’abandonner ses faveurs sans mourir ?]
Si de les plus garder ton peu d esprit se lasse,
Viens me dire du moins ce qu’il faut que j’en fasse.
Ne t’en veux-tu servir qu’à me désabuser ?
N’ont-elles point d’effet qui soit plus à priser ?
[Ô lettres, ô faveurs indignement placées.] (1633)

210. Var. Je ne sais qui des trois vous diffamez le plus,
De moi, de ce perfide, ou bien de sa maîtresse ;
Car vous nous apprenez qu’elle est une traîtresse,
Son amant un poltron, et moi sans jugement,
De n’avoir rien prévu de son déguisement.
Mais que par ses transports ma raison est surprise !
Pour ce manque de cœur qu’à tort je le méprise !
(Hélas ! à mes dépens je le puis bien savoir)
Quand on a vu Mélite on n’en peut plus avoir z.
Fuis donc, homme sans cœur, va dire à ta volage
Combien sur ton rival ta fuite a d’avantage,
Et que ton pied léger ne laisse à ma valeur
Que les vains mouvements d’une juste douleur.

z. Ces quatre vers : « Mais que par, etc., » ne sont que dans l’édition de 1633.