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LA NOURRICE.


Ce n’est que de mes yeux ! Dessillez la paupière,
Et d’un sens plus rassis jugez de leur éclat.


ÉRASTE.


Ils ont, de vérité, je ne sais quoi de plat ;
Et plus je vous contemple, et plus sur ce visage
Je m’étonne de voir un autre air, un autre âge :
Je ne reconnois plus aucun de vos attraits.
Jadis votre nourrice avoit ainsi les traits,
Le front ainsi ridé, la couleur ainsi blême,
Le poil ainsi grison. O Dieux ! c’est elle-même.
Nourrice, qui t’amène en ces lieux pleins d’effroi 333 ?
Y viens-tu rechercher Mélite comme moi ?


LA NOURRICE.


Cliton la vit pâmer, et se brouilla de sorte 334
Que la voyant si pâle il la crut être morte ;
Cet étourdi trompé vous trompa comme lui.
Au reste, elle est vivante, et peut-être aujourd’hui
Tircis, de qui la mort n’étoit qu’imaginaire,
De sa fidélité recevra le salaire.


ÉRASTE.


Désormais donc en vain je les cherche ici-bas ;
En vain pour les trouver je rends tant de combats.


LA NOURRICE.


Votre douleur vous trouble, et forme des nuages
Qui séduisent vos sens par de fausses images :
Cet enfer, ces combats ne sont qu’illusions 335.


ÉRASTE.


Je ne m’abuse point de fausses visions :

333. Var. Nourrice, et qui t’amène en ces lieux pleins d’effroi ? (1633-60)

334. Var. Cliton la vit pâmer, et se troubla de sorte. (1660)

335. Var. Cet enfer, ces combats, ne sont qu’illusion.
ér. Je ne m’abuse point ; j’ai vu sans fiction
Ces monstres terrassés se sauver à la fuite. (1633-57)