Page:Corneille - Marty-Laveaux 1910 tome 1.djvu/388

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siècle qu’il semble que le ciel ne vous a fait naître prince qu’afin d’ôter au roi la gloire de choisir votre personne, et d’établir votre grandeur sur la seule reconnaissance de vos vertus : aussi, MONSEIGNEUR, ces considérations m’auraient intimidé, et ce cavalier n’eût jamais osé vous aller entretenir de ma part, si votre permission ne l’en eût autorisé, et comme assuré que vous l’aviez en quelque sorte d’estime, vu qu’il ne vous était pas tout à fait inconnu. C’est le même qui, par vos commandements, vous fut conter, il y a quelque temps, une partie de ses aventures, autant qu’en pouvaient contenir deux actes de ce poème encore tout informes et qui n’étaient qu’à peine ébauchés. Le malheur ne persécutait point encore son innocence, et ses contentements devaient être en un haut degré, puisque l’affection, la promesse et l’autorité de son prince lui rendaient la possession de sa maîtresse presque infaillible ; ses faveurs toutefois ne lui étaient point si chères que celles qu’il recevait de vous ; et jamais il ne se fût plaint de sa prison, s’il y eût trouvé autant de douceur qu’en votre cabinet. Il a couru de grands périls durant sa vie, et n’en court pas de moindres à présent que je tâche à le faire revivre. Son prince le préserva des premiers ; il espère que vous le garantirez des autres, et que, comme il l’arracha du supplice qui l’allait perdre, vous le défendrez de l’envie, qui a déjà fait une partie de ses efforts à l’étouffer. C’est, MONSEIGNEUR, dont vous supplie très humblement celui qui n’est pas moins, par la force de son inclination que par les obligations de son devoir,

MONSEIGNEUR,

Votre très humble et très obéissant serviteur,

CORNEILLE.

Préface