ACTE I, SCENE I. 4oi
Tant que par la douceur d'une longue hantise Comme insensiblement elle se trouve prise. C'est par là que Ton sème aux dames des appas*, Qu'elles n'évitent point, ne les prévoyant pas. 4o
Leur haine envers l'amour pourroit être un prodige, Que le seul nom les choque, et l'effet les oblige^.
ALCIDON.
Suive qui le voudra ce procédé nouveau^ :
Mon feu me déplairoit caché sous ce rideau.
Ne parler point d'amour ! Pour moi, je me défie 45
Des fantasques raisons de ta philosophie :
Ce n'est pas là mon jeu. Le joli passe-temps,
D'être auprès d'une dame et causer du beau temps,
Lui jurer que Paris est toujours plein de fange,
Qu'un certain parfumeur vend de fort bonne eau d'ange*,
Qu'un cavalier regarde un autre de travers,
Que dans la comédie on dit d'assez bons vers,
Qu'Aglante avec Philis dans un mois se marie '^ !
Change, pauvre abusé, change de batterie.
Conte ce qui te mène, et ne t'amuse pas 5 5
A perdre innocemment les discours et tes pas®.
PHILISTE.
Je les aurois perdus auprès de ma maîtresse. Si je n'eusse employé que la commune adresse,
��1. Voyez plus haut, p. i48, le vers 96 de Mélite, et la note qui s'y rapporte.
2. C'est-à-dire, leur haine contre l'amour aura beau être extrême, prodi- gieuse, elle ne tomberait jamais que sur le nom, et non pas sur la chose.
3. Var. Suive qui le voudra ce nouveau procédé :
Mon feu se déplairoit d'être ainsi gourmande, (i 634-57)
4. On appelle eau d'ange «une eau d'une odeur très-agréable, faite de fleurs d'orange, musc, cannelle, et autres choses odoriférantes. « (^Dictionnaire de l'Académie de 1694.)
5. Var. Qu'un tel dedans le mois d'une telle s'accorde ! Touche, pauvre abusé, touche la grosse corde. (i634)
6. Var. A perdre sottement tes discours et tes pas. (i634-57)
Corneille, i a6
�� �