ACTE II, SCÈNE V. 433
Ce que je ne puis dire est plus que je n'ai dit :
J'en hais les vains efforts de ma langue grossière,
Qui manquent de justesse en si belle matière,
Et ne répondant point aux mouvements du cœur, 665
Te découvrent si peu le fond de ma langueur.
Doris, si tu pouvois lire dans ma pensée,
Et voir jusqu'au milieu de mon âme blessée*,
Tu verrois un brasier bien autre et bien plus grand ^
Qu'en ces foibles devoirs que ma bouche te rend. 670
DOWS.
Si tu pouvois aussi pénétrer mon courage,
Et voir jusqu'à quel point ma passion m'engage^.
Ce que dans mes discours tu prends pour des ardeurs
Ne te sembleroit plus que de tristes froideurs.
Ton amour et le mien ont faute de paroles. 675
Par un malheur égal ainsi tu me consoles ;
Et de mille défauts me sentant accabler.
Ce m'est trop d'heur qu'un d'eux me fait te ressembler.
ALCmON.
Mais quelque ressemblance entre nous qui survienne, Ta passion n'a rien qui ressemble à la mienne, 680
Et tu ne m'aimes pas de la même façon.
DORIS.
Si tu m'aimes encor, quitte un si faux soupçon* ;
Tu douterois à tort d'une chose trop claire ;
L'épreuve fera foi comme j'aime à te plaire.
Je meurs d'impatience, attendant l'heureux jour 685
Qui te montre quel est envers toi mon amour ;
Ma mère en ma faveur brûle de même envie.
1. Var. Et voir tous les ressorts de mon àme blessée. (i63i-6o)
2. Var. Que tu verrois un feu bien autre et bien plus grand. (1634-07)
3. Var. Pour y voir comme quoi ma passion m'engage. (i634)
Var. Pour voir jusqu'à quel point ma passion m'engage. (i644-6o)
4. Var. Quitte, mon cher souci, quitte ce faux soupçon : Tu douterois à tort d'une chose si claire. (iGSi-O/)
Corneille, i a8
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