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SUR PIERRE CORNEILLE. lvh

de soixante-quatorze ans, alla présenter au Roi et au jeune prince une pièce de vers sur ce sujet. Tout ce morceau est em- preint de la plus vive tristesse, et du sentiment, hélas ! trop sincère, qu'a le poète de la caducité de son génie. C'est avec une réelle conviction qu'il dit au Dauphin :

Quel supplice pour moi, que l'âge a tout usé, De n'avoir à t'offrir qu'un esprit épuisé ' !

et qu'il termine par ces mots :

De quel front oserois-je, avec mes cheveux gris,

Ranger autour de toi les Amours et les Ris?

Ce sont de petits dieux, enjoués, mais timides,

Qui s'épouvanteroient dès qu'ils verroient mes rides ;

Et ne me point mêler à leur galant aspect.

C'est te marquer mon zèle avec plus de respect'^.

Ce sont là les derniers vers qui nous restent de lui, les der- niers sans doute qu'il ait écrits. Depuis lors son unique travail fut la révision définitive de ses œuvres pour l'édition de 1683. Il ne paraît pas que cette édition ait été bien fructueuse pour lui.

Le 10 novembre i683, il vendit sa maison de Rouen, de la rue de la Pie, moyennant quatre mille trois cents livres, sur lesquelles il ne devait lui en revenir que treize cents, les trois mille autres étant destinées à l'amortissement de la pension, jusqu'alors garantie par cette propriété, qu'il payait pour sa fille Marguerite, religieuse au couvcntdes dominicaines^. Corneille n'intervint pas personnellement dans cet acte d'amortissement ; il n'y figure que par l'entremise de le Bovier de Fontenelle, son beau-frère ; son neveu nous apprend le triste motif qui le tint éloigné : « Ses forces, dit-il, diminuèrent toujours de plus en plus, et la dernière année de sa vie son esprit se ressentit beaucoup d'avoir tant produit et si longtemps*. »

I. Tome X, p. 334- — 3. Tome X, p. 339.

3. Notice sur la maison et la généalogie de Corneille, par A. G. Bal- lin, Rouen, mai i833, p. 8. — Voyez les Pièces justificatives, n» XV.

4. Œuvres de Fontenelle, tomo III, p. 120.

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