Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/38

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leur révolte, et calmer les mutins
Qui porteront envie à nos heureux destins.

'MARTIAN' — Aspar vous aura vue, et cette âme chagrine...

'PULCHÉRIE' — Il m'a vue, et j'ai vu quel chagrin le domine ;
Mais il n'a pas laissé de me faire juger
Du choix que fait mon coeur quel sera le danger.
Il part de bons avis quelquefois de la haine ;
On peut tirer du fruit de tout ce qui fait peine ;
Et des plus grands desseins qui veut venir à bout
Prête l'oreille à tous, et fait profit de tout.

'MARTIAN' — Mais vous avez promis, et la foi qui vous lie...

'PULCHÉRIE' — Je suis impératrice, et j'étais Pulchérie.
De ce trône, ennemi de mes plus doux souhaits,
Je regarde l'amour comme un de mes sujets :
Je veux que le respect qu'il doit à ma couronne
Repousse l'attentat qu'il fait sur ma personne ;
Je veux qu'il m'obéisse, au lieu de me trahir ;
Je veux qu'il donne à tous l'exemple d'obéir ;
Et jalouse déjà de mon pouvoir suprême,
Pour l'affermir sur tous, je le prends sur moi-même.

'MARTIAN' — Ainsi donc ce Léon qui vous était si cher...

'PULCHÉRIE' — Je l'aime d'autant plus qu'il m'en faut détacher.

'MARTIAN' — Seroit-il à vos yeux moins digne de l'empire
Qu'alors que vous pressiez le sénat de l'élire ?

'PULCHÉRIE' — Il fallait qu'on le vît des yeux dont je le vois,
Que de tout son mérite on convînt avec moi,
Et que par une estime éclatante et publique
On mît l'amour d'accord avec la politique.