Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/47

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Mais pour remplir un trône et s'y faire estimer,
Ce n'est pas tout, seigneur, que de plaire et d'aimer.
La plus ferme couronne est bientôt ébranlée,
Quand un effort d'amour semble l'avoir volée ;
Et pour garder un rang si cher à nos désirs,
Il faut un plus grand art que celui des soupirs.
Ne vous abaissez pas à la honte des larmes :
Contre un devoir si fort ce sont de faibles armes ;
Et si de tels secours vous couronnaient ailleurs,
J'aurais pitié d'un sceptre acheté par des pleurs.

'LÉON' — Ah ! Madame, aviez-vous de si fières pensées,
Quand vos bontés pour moi se sont intéressées ?
Me disiez-vous alors que le gouvernement
Demandait un autre art que celui d'un amant ?
Si le sénat eût joint ses suffrages aux vôtres,
J'en aurais paru digne autant ou plus qu'un autre :
Ce grand art de régner eût suivi tant de voix ;
Et vous-même...

'PULCHÉRIE' — Oui, seigneur, j'aurais suivi ce choix,
Sûre que le sénat, jaloux de son suffrage,
Contre tout l'univers maintiendrait son ouvrage.
Tel contre vous et moi s'osera révolter,
Qui contre un si grand corps craindrait de s'emporter,
Et méprisant en moi ce que l'amour m'inspire,
Respecterait en lui le démon de l'empire.

'LÉON' — Mais l'offre qu'il vous fait d'en croire tous vos vœux...

'PULCHÉRIE' — N'est qu'un refus moins rude et plus respectueux.

'LÉON' — Quelles illusions de gloire chimérique,
Quels farouches égards de