Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/64

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C'est assez que pour vous j'ose en vain soupirer ;
Ne me réduisez point, seigneur, à vous pleurer.

'ASPAR' — Gardez, gardez vos pleurs pour ceux qui sont à plaindre :
Puisque vous m'aimez tant, je n'ai point lieu de craindre.
Quelque peine qu'on doive à ma témérité,
Votre main qui m'attend fera ma sûreté ;
Et contre le courroux le plus inexorable
Elle me servira d'asile inviolable.

'IRÈNE' — Vous la voudrez peut-être, et la voudrez trop tard.
Ne vous exposez point, seigneur, à ce hasard ;
Je doute si j'aurais toujours même tendresse,
Et pourrais de ma main n'être pas la maîtresse.
Je vous parle sans feindre, et ne sais point railler
Lorsqu'au salut commun il nous faut travailler.

'ASPAR' — Et je veux bien aussi vous répondre sans feindre.
J'ai pour vous un amour à ne jamais s'éteindre,
Madame ; et dans l'orgueil que vous-même approuvez,
L'amitié de Léon a ses droits conservés ;
Mais ni cette amitié, ni cet amour si tendre,
Quelques soins, quelque effort qu'il vous en plaise attendre,
Ne me verront jamais l'esprit persuadé
Que je doive obéir à qui j'ai commandé,
À qui, si j'en puis croire un cœur qui vous adore,
J'aurai droit, et longtemps, de commander encore.
Ma gloire, qui s'oppose à cet abaissement,
Trouve en tous mes égaux le même sentiment.
Ils ont fait la princesse arbitre de l'empire :
Qu'elle épouse Léon, tous sont prêts d'y souscrire ;