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Scène 1


Pulchérie, Justine.


'PULCHÉRIE' — Justine, plus j'y pense, et plus je m'inquiète :
Je crains de n'avoir plus une amour si parfaite,
Et que si de Léon on me fait un époux,
Un bien si désiré ne me soit plus si doux.
Je ne sais si le rang m'aurait fait changer d'âme ;
Mais je tremble à penser que je serais sa femme,
Et qu'on n'épouse point l'amant le plus chéri,
Qu'on ne se fasse un maître aussitôt qu'un mari.
J'aimerais à régner avec l'indépendance
Que des vrais souverains s'assure la prudence ;
Je voudrais que le ciel inspirât au sénat
De me laisser moi seule à gouverner l'état,
De m'épargner ce maître, et vois d'un œil d'envie
Toujours Sémiramis, et toujours Zénobie.
On triompha de l'une ; et pour Sémiramis,
Elle usurpa le nom et l'habit de son fils ;
Et sous l'obscurité d'une longue tutelle,
Cet habit et ce nom régnaient tous deux plus qu'elle.
Mais mon cœur de leur sort n'en est pas moins jaloux :
C'était régner enfin, et régner sans époux.