Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/206

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M LE CID

nière scène, et de quelie façon! Chimène vient d'être soumise aune nouvelle épreuve : on lui a successivement annoncé la victoire du champion aragonais et l'arrivée d'un chevalier qui porte la lête de Rodrigue; elle a tout d'abord affecté de se réjouir, puis son désespoir a éclaté. C'est à ce moment <fue Rodrigue intervient pour tout expliquer : « Tout ce que j'ai fait annoncer, c'est que d'Aragon un chevalier venait pour offrir en homma-ie à Chimène la lête de Rodrigue. Or, ce sont la toutes choses bien vraies, car je viens d'Aragon, et je ne viens pas sans ma tête. » Ainsi le drame finit presque en farce. Il est superflu d'ajouter que le roi se bâte d'unir les deux amants, et que Chimène, désarmée, se rend : trois ans écoulés depuis la mort de son père lui permettent d'accepter sans honte un dénouement prévu, qu'elle a tout fait pour retarder.

Il serait puéril de méconnaître les qualités pittoresques, aussi épiques que dramalicjues, de l'œuvre espagnole, et de la juger au nom du goût français, que les Espagnols peuvent trouver trop délicat et timide; mais il serait plus puéril encore de faire valoir ces ])eautés éclatantes au détriment des beautés plus sévères de Corneille, car toute comparaison équi- table des deux pièces met en lumière la pleine indépendance de Corneille vis-à-vis de son modèle. Lui reprocher d'avoir retranché certaines scènes, dédaigné certains traits, c'est lui reprocher d'avoir voulu et su rester original.

��VI

DIAUANTE.

A tout prendre, ce n'était point le premier venu que ce fier et un peu rude Guilhem de Castro, capitaine de cavaliers garde-côtes, gentilliomme besogneux, chargé de famille, et qui écrivait pour vivre. Seulement, il arrivait vingt ans après le Don Quich >tte, qui parodiait si gaiement les anciens romans de chevalerie, et la pièce de ce provincial parut démodée à Madrid. Au contraire, c'était un fort médiocre poète que Juan Bautista Diamante, chevalier de l'ordre de Saint-Jean de Jéru- salem, grâce à Philippe IV, qu'il était chargé d'amuser et qui fut peut-être son collaborateur. A peu près à l'époque où Richelieu groupait autour de lui les Cinq auteurs, Philippe IV s'entourait de poètes, travaillait avec eux et faisait jouer sur son théâtre leurs compositions dramatiques. Seulement, ou

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