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Lxii BIOGRAPHIE DE CORNEILLE

mais à Racine, depuis longtemps, d'ailleurs, retiré du théâtre : il exagéra peut-être les bienfaits du roi envers Corneille, mais il sut louer, comme il convenait, le génie du poète, le caractère de l'homme, le? qualités mêmes de l'académicien '. Pourtant, si détaché qu'il fût alors de la gloire mondaine, il n'eut qu'à jeter les yeux autour de lui pour voir que c'était lui qui triomphait encore de Corneille. Son influence domine toute cette fin du siècle et même tout le siècle suivant : la Bruyère, Fénelon, Yauveuargues, Voltaire ne comprennent qu'à moitié ce que le génie de Corneille a de vraiment unique. Mais bien des critiques mesquines peuvent être pardonnées à Voltaire, en considération de ce mot profond : « Corneille a fondé une école de grandeur d'âme. »

Une solennité récente aurait, s'il en était besoin, rajeuni la gloire du vieux poète. Lors du premier centenaire de Corneille, en 1784, sa ville Urjtale s'était contentée de faire jouer en son honneur un intermède en un acte et en vers, le Centenaire de Corneille ou le Triomphe du génie, dont l'auteur était le chevalier de Cubières : on y voyait Apollon et Pluton se disputer l'ombre du poète; il est superflu d'ajouter que c'est Apollon qui l'em- portait au dénouement. Mais Corneille n'avait pas même une statue à Rouen, et Boissy-d'Anglas protestait en vain, dans la Convention (179o), contre cette ingratitude. C'est seulement en 1834, en un temps où les romantiques, si dédaigneux de Racine, considéraient volontiers Corneille comme un de leurs ancêtres, que fut inaugurée, sur le pont de pierre, à Rouen, la belle statue où David d'Angers a représenté Pierre Corneille debout et pensif.

Au pied de cette statue s'est célébré le second centenaire, avec plus d'éclat que le premier. La Comédie-Française, se transportant à Rouen pour rendre un reconnaissant hommage au vrai créateur de la tragédie et de la comédie en France, y a joué avec grand succès Horace et le Menteur. Au nom de l'Acadé- mie française, ÎM. Gaston Boissier a prononcé un discours digne d'elle, dont nous détachons ce passage :

<c Parmi les hommes célèbres de son temps, y en a-t-il beau- coup qui aient obtenu après leur mort les honneurs que vous rendez à Corneille? Qui se souvient de ces personnages qui fai-

I. Discours ]iroiio!iré le :! janvier IGSy.

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