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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/208

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24 CINNA

à en soutenir Tintérêt. Il est vrai qu'au cinquième acte, quand tout est découvert, et qu'iLpjut juger tout, perdu, après un timide effort pour nier révidence. il se redresse et 'brave en face "lèTyran_; mais, ici encore, c'est le tyran qui triomphe, et le fier républicain, se courbant sous sa clémence UD peu dédaigneuse, sécrie :

Puisse le grand moteur des Ijelles destinées Pour prolonger vos jours retrancher nos années, Et moi, par un bonheur dont chacun soit jaloux, Perdre pour vous cent fois ce que je tiens de vous !

D'où vient cet enthousiasme, succé dant à ces brava des? Auguste lui a donlié Emilie, et TImiliê consent à se Miser donner à Ginna par Auguste. A quoi bon conspirer, dès lors? Cin na, désarmé , avoue, par sa soumission, que lintérfit de sorT ainour arnîSîTseul s 'on bras. O r, le ca ractère essentiel d e l'hérbisme, c'e st d ëtre"3Jesintéressé.

TTèsT^tte même absence de désintéressement qui fait l'infériorité du rôle d'Emilie, autrement héroïque d'ailleurs et soutenu que celui de Cinna. Si elle est l'âme, non pas de la pièce, comme le croit Voltaire, mais de la conjuration, si elle hait Auguste, c'est qu'Auguste a tué son père. Se venger en le vengeant, voilà son unique souci ; la liberté, la répu- blique, le salut de Rome, tout passe après cette rancune per- sonnelle. Dans l'ardeur de ce sentiment, elle va jusqu'à dire:

Sa perte, que Je veux, me deviendrait amère, Si quelqu'un i'immolait à d'autres qu'à mon père, Et tu verrais mes pleurs couler pour son trépas, Qui, le faisant périr, ne me vengerait pas.

C'est laisser entendre clairement que la vengeance, est le but réel d'une entreprisé dont la délivrance de Rome-est le prétexte spécieux. Cette réserve faite — et elle est essentielle — on ne petit qu admirer en Emilie l'altière personnification ■. de l'esprit républicain , toujours en lutte contre Auguste, et vaincu enfin, mais non pas flétri. Soutenir qu'au fond de sa pensée Corneille condamne Emilie, qu'il a voulu la rendre odieuse, c'est méconnaître, non seulement l'opinion una- nime des contemporains, mais la vérité dramatique. On a déjà vu les jugements de Balzac et de Saint-Evremond. Ailleurs *, celui-ci nous montre quel idéal les hommes du xvii« siècle s'étaient formé de la femme héroïque, en ce temps où la supériorité de la femme sur l'homme était facilement

I. Diuertation sur la tragédie de Racine intitulée Alexandre le Grand. (1666.)

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