Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/258

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

74 CINNA

Quand je songe aux dangers où je te précipite.

Quoique pour me servir tu n'appréhendes rien,

Te demander du sang, c'est exposer le tien :

D'une si haute place on n'abat point de têtes 25

Sans attirer sur soi mille et mille tempêtes;

L'issue en est douteuse, et le péril certain :

Un ami déloyal peut trahir ton dessein ;

L'ordre mal concerté, l'occasion mal prise.

Peuvent sur son auteur renverser l'entreprise, 30

Tourner sur toi les coups dont tu le veux frapper;

Dans sa ruine même il peut t'envelopper,

Et, quoi qu'en ma faveur ton amour exécute,

Il te peut, en tombant, écraser sous sa chute.

Ah! cesse de courir à ce mortel danger: 3S

Te perdre en me vengeant, ce n'est pas me vei'.srpr.

Un cœur est trop cruel quand il trouve des charnit^s

Aux douceurs que corrompt l'amertume des laroi'js.

24. Exposer le sang de quelqu'un ne se dirait guère aujourd'h'ii, mais se di«  sait alors; on eraplojait indifféremment (an^ et vie, com jie -Jans le vers de Polyencte :

Exposer ponr sa gloire et verser tont soii laii^

26. Voir la note du vers 16.

27. En, c'est-à-dire de cette entreprise, se vapp;>rte moins à un mol sous-en- tendu qu'à l'idée clairement exprimée. — Ici r.MUmjn'-e une série de vers cor- néliens, concis et énergiques. Les diverses suppoîilions que fait Emilie ne sont pas en dehors de la situation et l'on se trompor.iit si l'on y voyait un pur exer- cice de rhétorique : la passion dont elle est Oiiilaramée suffit à les rendre na- turelles.

28. Trahir emporte la double idée d'abandon et de perfidie.

29. Mal prise : r'est le capessere des Latins : on disait même, en souvenir d«  l'aJlégorie antique, prendre l'occasion aux cheveux, d'où tant de vers bizarres :

Ah ! belle occasion, montre-nous tes cheveux! (Sendéry, Mort de Cétar.) L'occasion est belle et m'offre les cheveux. (Rotron, Belitaire.)

30. Var, Penvent dessus ton chef renverser lentreprise. (1643-66.) Renverser est encore pris au figuré au v. 1750 de Cinna; renverser une e»

treprise sur son auteur, c'est la faire tourner à sa ruine.

Voyez si de nouveau vous le pouvez dompter

Et renverser sur lui ce qu'il ose attenter. (Attikt, IV, vil.)

La métaphore d'ailleurs est naturelle : on peut renverser une entreprise qM l'on a, pour ainsi dire, construite. (Struere inceptwnj

31. Lt, qui se rapporte à Auguste, n'est pas assez clair,

34. Il te peut, comme, plus haut, dont tu le veux frapper. Ces constructions sont des plus familières aux poètes et même aux prosateurs du itm» siècle.

38. M. Geruzez croit que ce vers a inspiré ceux de la ffenriade (IX) sur U fontaine Aréthuse, qui roule, à travers la mer furieuse,

Un cristal toujours pur, et des flots toujours clairs Que ne corrompt jamais l'amertume des mers.

En tout cas, ce passage tout entier du monologue est irréprochable cornm» lormei les redondances ont disparu; le style, juste et ferme, ne brille plus qa#

�� �