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112 CINNA

Octave aura donc vu ses fureurs assouvies, Pillé jusqu'aux autels, sacrifié nos vies,

Rempli les champs d'horreur, comblé Rome de morts, §5r Et sera quitte après pour Teffet d'un remords! Quand le ciel par nos mains à le punir s'apprête, Un lâche repentir garantira sa tête ! C'est trop semer d'appâts, et c'est trop inviter, Par son impunité, quelque autre à l'imiter. 660

Vengeons nos citoyens, et que sa peine étonne Quiconque après sa mort aspire à la couronne Que le peuple aux tyrans ne soit plus exposé : S'il eût puni Sylla, César eût moins osé.

MAXIME.

Mais la mort de César, que vous trouvez si justd, 665

A servi de prétexte aux cruautés d'Auguste ;

pas besoin d'eipliraiions? et Cinna lui-même ne doit -il pas avoir a cœur de le justifier auprès de Maxime, son ami et son complice, dont une attitude si étrange «pu éveiller la défiance? — Ensemble, pour tout ensemble, en même temps, à la fois. Au vers 320, nous avons vu tout ensemble. Racine a dit de même:

J'ai votre fllle ensemble et ma gloire à défendre. (Iphigénie, IV, vi.)

653. Var. Octave uara loûlé ses damnables envies. (1643-66.)

Cet emploi archaïque du verbe soûler a été heureusement corrigé par Corneille. C'est la seule de ses grandes tragédies, observe M. Marty-Laveaui, où il en fasse usage. Plus tard, dans Pprtharite (v. 1695), il écrira: u Soûle-toi de son sang.»

658. « C'est proprement un simple repentir. Le mot même en sera quitte indique qu'on ne doit pas pardonner à Octave pour un simple repentir ; il n'y a nulle lâcheté à sentir, au comble de la gloire, des remords de toutes les vio- lences commises pour arriver à cette gloire.» (Voltaire.) Il nous semble que Vol- taire se trompe, et qu'Auguste, abdiquant moins par dégoût du pouvoir en lui- même qu'à cause des dangers sans cesse renaissants auxquels il s'expose (cf. les v. 371-76), son repentir peut, à bon droit, être traité de lâche, puisque c'est le sentiment de la peur, et non le remords d'avoir asservi Rome, qui détermine Octave à quitter un pouvoir qu'il n'avait pas connu en le souhaitant. L'épithète de lâche est donc ici aussi belle que juste. (Note de la précédente édition Delà- grave.) Quoiqu'il en soit, on ne doit pas oublier que c'est Cinna qui parle ; étant donnés sa situation et son caractère, tels qu'on nous les montre au premier acte, il peut, il doit même, soit croire sincèrement à la lâcheté d'Auguste, soit feindre d'y croire, pour justifier d'avance sa conduite.

659. « Appât se dit Cgurément de ce qui sert à attraper les hommes, à les inviter à faire quelque cnose. » (Dictionnaire de Furetière.) Voyez ce mot pris dans un sens analogue au vers 879.

661. Nos citoyens, latinisme, pour nos concitoyens. — De même étonne a le sens très fort du latin attonitus. Don Diègue dit, en parlant des ennemis qu'a terrassés son Qls :

N'excusez point par là ceoz que son bras étonne. {Cid, 1433.)

664. « Les premiers personnages des tragédies de Corneille argumentent avec les tournures et les subtilités de l'école et s'amusent à faire des jeux frivoles de raisonnement et de mots, comme des écoliers ou des légistes. C'est ainsi que Cinna dit: Que le peuple aux tyrans, etc. Car il n'y a personne qui ne prévienne 4a réponse de Maxime. » CVauvenargues.)

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