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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/320

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136 CINNA

jEMILIE.

Qu'il cesse de m'aimer, ou suive son devoir.

FULVIE.

Il va vous obéir aux dépens de sa vie. Vous en pleurez !

EMILIE.

Hélas! cours aprcsjui, Fulvie, i070

Et, si ton amitié daigne me secourir, Arrache -lui du cœur ce dessein de mourir; Dis-lui...

FULVIE.

Qu'en sa faveur vous laissez vivre Auguste?

EMILIE.

Ah ! c'est faire à ma haine une loi trop injuste.

FULVIE,

Et quoi donc?

MmLXE.

Qu'il achève, et dégage sa foi, 1075

Et qu'il choisisse apiès de la mort ou de moi.

Corneille ne la hasarda plus que dans ce vers de Cinna. Il faut regretter une tournure infiniment Y'us vive que la construction régulière : aussitôt après qu'elle aura été jierdue.

1070. Voilà des larmes qui humanisent, pour ainsi dire, le caractère un peu farouche d'Emilie. Jusqu'à présent, on l'admire plus qu'on nel'airae; l'esprit et la volonté font tort au cœur. Mais ce moment d'émotion sera court; Emilie es- suiera bientôt ses larmes, et, quoi qu'elle en ait dit au début de la pièce, M haine pour Auguste sera plus forte que son amour pour Cinaa.

1075. Au V. 895, Cinna a dit :

Ma foi, mon cœar, mon bras, tout vous est engagé.

Et il parle d'un « serment téméraire ». Engager sa foi, c'est donc se lier k quelqu'un par une promesse; la dégager, c'est quelquefois retirer 8a parole; plus souvent, comme ici, la tenir :

Vons-même dégagez la foi de vos oracles. (Iphigénie, V, n.)

1076. « Ce sont là de ces traits qui portaient Balzac à nommer Emilie ado- rable furie. On ne peut guère finir un acte d'une manière plus grande ou plus tragique. » (Voltaire.) — « Si nous étions moins convaincus de la fermeté d'Emi- lie, nous serions moins inquiets pour elle de la résolution de Cinna, qui veut mourir si elle ne lui permet de rompre la conjuration. Dans une semblable lutte, un caractère ordinaire doit succomber. Il ne s'agit que de démêler ce qu'il sa- crifiera, de son amour ou de sa vengeance : mais nous savons bien qu'Emilie ne peut renoncer ni à l'un ni à l'autre. Quel parti va-t-elle donc prendre? Elle liésite : ce ne peut être sur le choix; c'est donc sur le moyen 7 Quel sera-t-ilT Le voici :

Qu'il achève et dégage sa foi. Et qn'il choisisse après de la mort on de moi!

Pour arriver à cette invincible force qui fera tout plier autour d'elle, il faut s'être absolument sépaié de tout ce qui entre ailleurs dans la composition de la nature humaine. » (Guizot, Corneille et son temps.) 11 est peut-être exagéré da dire que le caractère d'Emilie est absolument en dehors de la nature humaine;

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