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INTRODUCTION 7

a per flagîtia invisos » , entres autres du plus grand de tou.v, de la haine du genre humain : « Haud pennde criminc incen- dii, quam odio gcneris hiimani convicti siint. » 11 est vrai que l'horreur des «iipplices le révolte ; mais, après tout, ces fau- teurs d'une escruble superstition, « exitiabilis superstilio ", n'avaient-ils pas tout mérité ? « Unde, quanqiiam adversus so)ites, et nooissima exempla méritas, misercUio oriebatur. * » Et pourtant Tacite constatait, non sans inquiétude, que le nombre de ces criminels s'augmentait de jour en jour. C'est ce que constatait aussi son ami Pline, gouverneur de Bithy- nie, si scrupuleux, si humain. Aussi hostile par principe aux chrétiens, il demandait à Trajan s'il fallait punir le nom lui- même de chrétien ou les ciinies qui semblaient inséparables de ce nom, « flagUia cohœrenlia noniini », mais il s'étonnait de no rencontrer nulle part aucun de ces crimes imaginaires, et il le disait ingénument : « Nihil aliud inveni quam supers- titiùnem pravam, iminodicam ^. » Et Trajan lui répondait^ avec une modération relative, qu'il ne fallait pas rechercher Jes chrétiens, mais qu'il les fallait punir, s'ils étaient dénon- cés et s'ils s'avouaient coupables. Tout au moins étaient-ils coupables, comme le remarquait Pline, d'un regrettable en- têtement : « pervicaciam et inflexibihm obstinai ionem. » Cela ne suffisait-il pas, et si Félix envoie Polyeucte à la mort, n'est-ce point pour le punir d'avoir montré un « cœur trop obstiné? ^ »

Qu'élaienl-ce donc que ces horreurs mystérieuses, dont Pline cherchait en vain la confirmation, et que la Stratonice de Corneille, fidèle personnification des haines aveugles de la foule païenne, admet comme démontrées?

Leur secte est insensée, impie et sacrilège, Et dans son sacrifice use de sortilège*.

Que se passait-il au sein de ces réunions chrétiennes, de ces agapes, de ces hétaïries non autorisées dont s'inquiétaient les politiques beaucoup plus que les croyants du paganisme? L'imagination populaire se donnait libre cours: comme les juifs, les chrétiens étaient accusés d'immoler, ou même de dévorer des enfants. On comparait volontiers ces mangeurs d'enfants {■ttaiSo-fx'ycuç) aux cyclopes et aux sirènes qui dé- voraient autrefois les hommes ; on attribuait à leurs sorti-

��i. Tacite, Annales, XV, 44. 2. Pline le Jeune, Lettres, X, 94 î. Poh/eucte, V, 3. 4. Polyeucte, I, 3.

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