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ACTE III, SCÈNE V 133

L'ambition toujours me le vient présenter,

Et tout ce que je puis, c'est de le détester.

Polyeucle est ici l'appui de ma famille;

Mais si, par son trépas, l'autre épousait ma fille,

J'acquerrais bien par là de plus puissants appuis, 1055

Qui me mettraient plus baut cent fois que je ne suis.

Mon cœur en prend par force une maligne joie ;

Mais que plutôt le ciel à tes yeux me foudroie,

Qu'à des pensers si bas je puisse consentir,

Que jusque-là ma gloire ose se démentir ! 1060

ALBIN.

Votre cœur est trop bon et votre âme trop haute Mais vous résolvez-vous à punir cette faute ?

FÉLIX.

Je vais dans la prison faire tout mon effort

A vaincre cet esprit par l'effroi de la mort ;

Et nous verrons après ce que pourra PauUne. 10G5

ALBIN.

Que ferez-vous enfla, «i touiours il s'obstine?

��iOS4. « Voili le sentinaent le plus bas qu'on puisse développer, mais il esl ménagé avec art. J'ai toujours remarqué qu'on n'écoutait pas sans plaisir l'aveu de ces sentiments, tout condamnables qu'ils sont : on sentait qu'il n'est que trop vrai i|ue souvent les hommes sarrifient tout à leur propre intérêt. C'est ici le lieu d'examiner si on peut mettre sur la scène tragique des sentiments bas et lâches. Le public, en général, ne les aime pas; repcndunt, puisque tous ces caractères sont dans la nature, il semble qu'il soit permis de les peindre, et l'art de les faire contraster avec des personnages héroïques peut quelquefois produire des beautés. » (Voltaire). « Corneille a atteint son but: il voulait réunir en un seul tableau l'image de la dégradation d'un cœur servile à côté de la noblesse des sentiments chrétiens et politiques. Félix manquerait à ce drame excellent, s'il n'y était pas, et le public n'eût pas appris, par une si complète leçon, qu'il n'est rien de plus féroce que l'avarice et la pusillanimité. « (Lemescier.)

1067. Quelque maligne joie en son eœar s'élevait,

Dont sa gloire iajigaée à peine le sauvait. (Pompée, 775.)

1059. Plutôt porte sur le second que: que le ciel me foudroie plutôt que... Sur penser», voyez les v. 393, 3005, 1049.

1061. Trop bon, trop généreux. « J'ai le cœur aussi bon, s'écrie Curiaco (Horace, 468). u Elle a le cœur trop bon », dit Ginna d'Emilie. (Cinna, 689.) ■ Pardonne-t-on à Albin qui dit à Félix qu'il a l'âme trop haute? » (Voltaire.) « Pardon nera-t-on à Voltaire lui-même de s'être si étrangement mépris sur le lens de cette réponse d'Albin, représenté dans toute la pièce comme un homme honnête et sensible, qui défend courageusement Pauline et Polyeucte contre son maître, auquel il montre continuellement le ridicule d& ses craintes? 11 est claii" que la réponse d'Albin ne signifie autre chose, sinon : En effet, votre cœur est trop bon et votre âme trop haute pour que vous puissiez vous laisser aller à de li indignes lâchetés, et Ton voit bien qu'il ne parle à Félix de la hauteur de son âme que pour l'empêcher de se trop abaisser. » (Guizox, Corneille et son temps.)

106S. Var. J'emploierai pais a^rds le secours de Pauline. (1&43-16S6.)

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