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Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/73

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EXAMEN D'HORACE 67

nation à un sens conlraire, et je les aimerais mieux de cette sorte sur nos théâtres, que ceux qu'on fait enlièiemont obscurs, parce que la surprise de leur véritable effet en est plus belle. J'en ai usé ainsi encore dans l'Andromède et dans l'Œdipe. Je ne dis pas la même chose des songes, qui peuvent faire encore un grand ornement dans la protase', pourvu ([u'on ne s'en serve pas souvent. Je voudrais qu'ils eussent l'idée de la fin véritable de la pièce, mais avec quelque confusion qui n'en permît pas l'inlelligence entière. C'est ainsi que je m'en suis servi deux fois, ici et dans Polyeucte, mais avec plus d'éclat et d'artifice dans ce dernier poème, où il marque toutes les particularités de l'événement, qu"en celui-ci, où il ne fait qu'exprimer une ébauche tout à fait informe de ce qui doit arriver de funesLe.

Il passe pour constant que le second acte est un des plus pathétiques qui soient sur la scène, et le Lroi^ème un des plus artificieux. 11 est soutenu de la seule narration de la moitié du combat des trois frères, qui est coupée très heureu- sement pour laisser Horace le père dans la colère et le déplaisir, et lui donner ensuite un beau retour à la joie dans le qua- trième. Il a été à propos, pour le jeter dans cette erreur, de se servir de l'impalieace d'une femme qui suit brusquement sa première idée, et présume le combat achevé, parce qu'elle a vu deux Horaccs par terre, et le troisième en fuite. Un homme, qui doit être plus posé et plus judicieux, n'eût pas été propre à donner cette fausse alarme; il eût dû prendre plus de patience, afin d'avoir plus de ccrlitude de l'événement, et n'eût pas été excusable de se laisser emporter si légère- ment, par les apparences, à présumer le mauvais succès d'un combat dont il n'eût pas vu la fin.

Bien que le roi n'y paraisse qu'au cinquième, il y est mieux dans sa dignité que dans le Cid, parce qu'il a intérêt pour tout son État dans le reste de la pièce; et, bien qu'il n'y parle point, il ne laisse pas d'y agir comme roi. Il vient aussi dans ce cinquième comme roi qui veut honorer par cette visite un père dont les fils lui ont conservé sa couronne, et acquis celle d'Albe au prix de leur sang. S'il y fait l'office de juge, ce n'est que par accident; et il le fait dans ce logis même d'Horace, par la seule contrainte qu'impose la règle de l'unité de lieu. Tout ce cinquième est encore une des causes du peu de satisfaction que laisse cette tragédie : il est tout en plaidoyers; et ce n'est pas là la place des harangues ni des longs discours : ils peuvent être supportés en un commen-

1. La protase, c'est l'eiposition de la. tragédie.

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