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88 POMPÉE

Partout, en Italie, aux Gaules, en Espagne,

La fortune le suit, et l'amour l'accompagne.

Son bras ne dompte point de peuples ni de lieux 395

Dont il ne rende hommage au pouvoir de mes yeux;

Et de la même main dont il quitte l'épée.

Fumante encor du sang des amis de Pompée,

Il trace des soupirs, et d'un style plaintif

Dans son champ de victoire il se dit mon captif. 400

Oui, tout victorieux, il m'écrit de Pharsale;

Et si sa diligence à ses feux est égale.

Ou plutôt si la mer ne s'oppose à ses feux,

L'Egypte le va voir me présenter ses vœux.

Il vient, ma Charrnion, jusque dans nos murailles, 403

Chercher auprès de moi le prix de ses batailles,

M'offrir toute sa gloire, et soumettre à mes lois

Ce cœur et cette main qui commandent aux j'ois;

Et ma rigueur, mêlée aux faveurs de la guerre,

Ferait un malheureux du maître de la terre. 410

��J'oserais bien jurer que vos charmants appas

Se vantent d'un pouvoir dont ils n'useront pas,

Et que le grand César n'a rien qui l'importune

Si vos seules rigueurs ont droit sur sa fortune.

Mais quelle est votre attente, et que prétendez-vous, 415

Puisque d'une autre femme il est déjà l'époux,

On passerait volontiers condamnation sur ce point, mais non pas aussi facile- ment sur la galante préciosité de ce langage. « Corneille fait parler Cléopâtre comme les héroïnes du Cijrus et des romans de chevalerie. César est son che- valier, et c'est pour lui plaire qu'il a conquis l'Italie, la Gaule, l'Espagne, comme Amadis vainquait les géants pour plaire à la belle Oriane. » (Saint- Marc Girardin, Cours de littérature dramatique, N, 65.)

3fl3. Aux Gaules ; à est ici pour dans, comme en d'innombrables passages de Corneille ; voyez en particulier le v. 1202.

399. Ici, Voltaire a raison : César qui trace des soupirs (c'est-à-dire peint à Cléopâtre l'amour qui le fait soupirer) n'est plus César. On a peine même à chasser de son esprit un souvenir irrespectueux pour Corneille, c'est celui du héros de Cervantes : don Quichotte, le dernier des chevaliers errants, n'était pas plus empressé à faire hommage à Dulcinée de ses victoires, moins réelles, il est vrai, que celles de César.

400. Captif, au figuré, pour amant ; Corneille disait aussi captive :

Je t'eusse par ma mort dérobé ta captive. {Cinna, 1025.)

C'est trop J'in'lignité que notre souveraine

De fun <le ses captifs tienne le nom de leine. {Rodogune, 908.)

M. Littré ne mentionne pas cette acception particulière.

404. Le va voir; sur cette construction et les constructions analogues de lui et me, voyez les v , 238, 1544, 1665, 1756.

408. Yar. £t le cr^nr et la main qui les donnent aux rois ; Si bien que ma hfrnear, ainsi que le tonnerre, Peut faiiu an malheureux du uiaitre de la terre. (l$4i-1666.)

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