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Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/27

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INTRODUCTION 14

Dans ce poëme inimitable qu'il a fait de la Mort de Pompée, il a traduit avec tant de succès, ou même rehaussé avec tant de force ce qu'il a emprunté de Lucain, et il a porté si haut la vigueur de ses pensées et la majesté de son raisonnement qu'il est sans doute un peu malaisé de le suivre. » C'était se rendre justice ; et pourtant Corneille estimait la Pharsule de Brébeiif : dans ce fatras obscur où Boileau lui-même voyait étinceler quelques beautés, il distinguait tel passage pour lequel il aurait donné disait-il, deux de ses meilleures pièces *. Les eût-il données, si on l'eût pris au mot ? En tout cas, il n'avait pu profiter de la traduction de Brébeuf, qui parut seulement dix ans après sa tragédie, de 1653 à 1655.

��II

AVANT CORNEILLE.

Le Corneille du xvi^ siècle, c'est Robert Garnier. Sans doute le lieutenant criminel du Mans n'a pas le génie de Pierre Corneille ; mais il l'annonce et a plus d'un trait com- mun avec le poète qui le fera oublier. Comme lui, il imite, et imite trop Sénèque le Tragique ; comme lui, sans dédaigner les Grecs, sans méconnaître les ressources nouvelles que la Bible et le moyen âge offraient à la poésie dramatique, il s'est attaché surtout à faire revivre l'ancienne Rome, avec son peuple de citoyens graves, un peu solennels, tels qu'on les voyait alors, héroïnes et héros cornéliens d'avance par la dignité de leur attitude et la virilité de leur langage. C'est Porcie, la femme de Caton, la fille de Brutus, c'est Marc- Antoine, César ou Cicéron, c'est Cornélie. Par malheur, la Cornélie, dédiée à M. de Rambouillet, capitaine des gardes, sénéchal et lieutenant pour Sa Majesté au comté du Maine, est précisément la plus faible des tragédies romaines de Garnier ; en dépit des élog-es pompeux de Ronsard, d'Amadis Jamyn, de Rémi Belleau, ce n'est qu'une reproduction affai- blie de la Porcie. L'action est nulle : c'est ainsi que chacun des deux premiers actes se compose d'une scène unique, sui-

1. Coste, Apologie de la Bruyère, p. 177. D'ailleurs, Corneille Toyait souvent, goit à Rouen, soit à Paris, Brélieuf, que son frère Thomas, dans une lettre à l'abbé de Pure, compte parmi « les illustres amis » de sa famille. Brébeuf, remar- que M. Ed. Fournier, était pauvre comme eux ; leur amitié devint donc de plus en plus étroite, et l'auteur de Pompée pleura lincèrement la mort du traducteur de la Pharsale.

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