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INTRODUCTION. 9

tous Ips auli^s; mais Geoffroy parle évidemment du roman de 4668, bien qu'il justifie Corneille d'avoir tiré d'un mauvais ouvrage une belle tragédie; autrement, l'on ne comprendrait guère qu'il se soit borné à celte mention sèclie, et ne nous ait pas dit un seul mol d'un livre si précieux, demeuré si insaisissa- ble avant et après lui.

Voilà bien des étrangetés. Que sera-ce, si nous ajoutons que le chansonnier Laujona\ait découvert, lui aussi, son roman de Rodogune, non plus le roman français édité chez Somninville, mais un roman latin, écrit par un moine du moyen à^e? Trop de romans, en vérité! Cette découverte, dont il a eu la cruauté de nous priver, fut même son seul ttitre au choix de l'Académie Irançaise. Laujon avait quatre-vingt-trois ans ^, et l'abbé Delille, qui l'appuyait, invoquait en sa faveur son grand âge. « Nous savons oii il va, disait-il, liussons-le passer par l'Institut. » On lui devait bien cela. N'avait-il pas, à force d'héroïque fermeté, prévenu un crime de lèse-majeste cornélienne? N'avait-il pas sauvé la gloire rie Corneille, en refusant de communiquer le pré- cieux ouvrage à Voltaire, dont les intentions lui étaient sus- uecles, en aimant mieux anéantir la pièce accusatrice que ternir le [)ur renom du grand tragique? Avec quelle noble fierté, avec quelle émotion communicative le chansonnier rappelait ce Irait généreux ! et quel beau sujet de tableau classique : Laujon refusant les présents de V^oitaire!

Deli!le,ce jour-là, fut riupe; que ne répon iait-il,avec un sou- rire de malicieuse bonhomie : « Chansons quo tout cela, mon- sieur le ciiausonnier! Vous avez voué, dites-vous, un cult'> à Corneille ; il n'y paraît guère. Est-ce la vraie façon d'admirer les grands hommes, que de faire la nuit autour de leurs œuvres? Kst-ce la vraie façon de les défendre coîitre leurs détracteurs, (]ue jeter au feu les documents dont la seule vue prouverait

XaoX, ^ur ce point, de la collection Régnier, ce curieux témoignage de Greoffroy u'h p >i été reoueilli. Peut-être Geofifroy a-t-il cru avoir entre les mains une réim- pressi'jn de l'ancien roman.

1. Né en 1727, Pierre Laujon mourut en 1811; à l'Académie il succédait à i'oïliJis, à peu près comme il avait succédé à Gentil-Bernard dans sa charge de soctéiaire des dragons. Protégé de M^e de Pompadour, secrétaire des comman- ctaments du duo de Clermont, puis du duc dp Bourbon, habile organisateur des ("ôte» de CliHutilly, il fut ruiné par la Révolution. On a de lui trois volumes de ciiausûns, des pastorales et des opéras, dont les plus connus sont DaphnU el C'iO'^ i)t FAnioweux de i/uinze aris ou la Double Fête. La Harpe l'appelle asset dedaiguoi!semenl« belespritde société, cliansoanier de table ». Tous ses mérites paurraient se résumsr ea ce titre : il fut membre du Caveau.

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