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22 POMPÉE

sujet'. » Ainsi, Corneille l'avoue et se plaît même à le ré- péter : Polyeucte, puisé à des sources nouvelles, avait semblé trop simple à ceux qui réservaient leur admiration pour la grandeur un peu tendue des écrivains de la décadence roaiaine, et c'est pour se faire pardonner Polyeycte qu'il a écrit Pompée. Il a raison, d'ailleurs, de rattacher par un lien étroit Pompée à Cinnn, car, si la « majesté » des pensées et du style est la même dans les deux pièces, on peut juger pourtant que les défauts qui étaient en germe dans Cinna s'accentuent dans Pompée; Sénéque et Lucain sont deux Espagnols, on le sent trop, et leur imitateur ne le sent pas assez. Sans doute il faut faire la part de l'optique théâtrale et reconnaître que certains passages emphatiques nous choquent moins à la représentation qu'à la lecture ; sans doute une certaine exagération de ton, un certain grossis- sement de traits sont inséparables de l'essence même du drame. Fénelon méconnaît ces conditions de la tragédie lorsqu'égaré par un idéal chimérique de simplicité, il écrit dans sa Letfre à V Académie : « Il me paraît qu'on a donné souvent aux Romains un discours trop fastueux 2. » Long- temps après lui, un délicat aussi scrupuleux, le marquis de Vauvenargues, reproduira la même critique et la même er- reur en blâmant la « ridicule ostentation » du défi que Corné- lie jette à César : « Cette affectation de grandeur que nous prêtons aux Romains m'a toujours paru le principal défaut de notre théâtre et l'écueil ordinaire des poètes^. » Historique- ment, la critique est juste; dramatiquement, elle l'est moins, et Molière, qui, avant Baron, mais avec moins de succès, joua le rôle de César, n'était point infidèle à l'esprit de la tragédie cornélienne lorsqu'il prêtait à son personnage un ton légèrement déclamatoire. Lui qui, dans l'Impromptu de Ver- sailles, avait raillé la diction prétentieuse de Montfleury, se vit reprocher par Montfleury, dans ['Impromptu de Vhôlel de Condé (1663), l'exagération de son propre jeu :

LE MARQUIS.

Cet homme est admirable. Et dans tout ce qu'il fait il est inimitable.

ALCIDOR.

Il est vrai qu'il récite avecque beaucoup d'art, Témoin dedans Pompée, alors qu'il fait César.

1. Examens de Polyeucte et du Menteur.

t.'JMtre à l'Académie ; projet d'un traité svo" la tragédit,

3. Réflexions critiques sur quelque* poètes.

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