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INTRODUCTION 27

i< Le roi était hier fort en peine de Sa Majesté Britannique. Voilà une gi^ande scène; nous sommes attentifs à la volonté des dieux,

Et nous voulons apprendre Ce qu'ils ont ordonné du beau-père et du gendre '. »

Ces parodies et ces réminiscences, qui ne sont pas les seu- les ^, suffisent à montrer à quel point le souvenir du drame cornélien vivait dans les mémoires, alors même que Racine régnait seul sur le théâtre.

On ne voit guère qu'un contemporain, l'abbé d'Aubignac, qui ait osé s'attaquer direclertient à Pompée; ce qui est remar- quable, c'est qu'il y critiquait précisément ce que les autres y admiraient le plus, la belle délibération du premier acte, qui sert d'exposition à la pièce. Il est vrai que c'était pour l'opposer et la sacrifier à la délibération analogue de Cinna: « Celle d'Auguste a ravi tous les spectateurs, et celle de Ptolomée a passé pour une chose commune, ni bonne, ni mauvaise. » Selon lui, les délibérations qui se font par dessein sont particulièrement difficiles à traiter et ne doivent pas réaliser moins de six conditions essentielles : 1° le sujet en doit être grand ; 2° le motif en doit être pressant et néces- saire. A ces deux points de vue, d'Aubignac condamne la délibération de Forirpée; mais cette condamnation est de celles auxquelles on se refuse à souscrire. Quel sujet plus grand, en eii'et, que celui qui met aux prises, non seulement César et Pom- pée, mais l'Europe et l'Afrique ? Quelle délibération plus solen- nelle que celle où s'agite le sort du monde ? Et, d'autre part, quel motif plus pressant que l'arrivée déjà connue de Pompée, que l'arrivée prochaine de César? — 3° Le raisonnement doit répondre à la grandeur du sujet. « C'est par là seulement que celle de Ptolomée n'a pas été absolument condamnée, car les raisonnements sont si forts que l'esprit est pleinement satisfait à mesure qu'il écoute ou qu'il lit, et je doute qu'un autre que M. Corneille eût pu la rendre supportable. » — 4° L'auteur dramatique ne doit jamais attendre la crise pour y introduire une délibération qui la refroidirait, mais aussi il ne doit jamais la placer au début de sa pièce « parce qu'il n'y a point encore de passion agitée sur laquelle la délibération

��1. Lettre du 29 décembre 1688. C'est un souvenir du début de la première scène de Pompée.

2. Voyez, par exemple, une lettre datée de mars 1690, où le jeune marquis de Sévigné cite ironiquement des ver.<i empruntés à la 3* scène du 4* act«.

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