Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dernière le titre de tragédie *. » En défendant les caractères, les frères Parfaict avouent pourtant que le style est trop pompeux, et que même le début est plus épique que tragique. Cette critique, juste en elle-même, l’école de Voltaire l’amplifia au delà de toute mesure. En vain pour intéresser le solitaire de Ferney à l’infortune de la petite-nièce de Corneille, Lebrun évoquait l’ombre du grand tragique et lui faisait dire, dans une éloquente prosopopée :

Rends ton malheur auguste et fais rougir le sort.
La sublime vertu ne peut être avilie ;
L’âme de Cornélie
Sut braver les revers, et César, et la mort 2.

Voltaire s’empressait d’adopter « Cornélie-Chiffon », et, pour la doter, publiait une édition de Corneille oti la vraie Cornélie n’est pas toujours respectée. Encore y donnait-on, à peu près intact, le texte du poète ; mais que dire des éditions postérieures où Tronchin se croira le droit d’élaguer les scènes de Pompée qu’il jugera disparates et froides, oîi Delisle et Audibert, ces malfaiteurs déjà signalés à l’indignation publi([iie dans notre introduction dePob/mcte, se permettront de refaire un grand nombre des vers de Corneille sans se soucier même de donner la correction aux vers qu’ils y substituaient ? Que dire de l’étrange jugement de M. J. Chénier, qui voyait en Pompée une tragédie faite pour des esclaves et des femmelettes ? Aucune pièce, tout au contraire, n’est plus digne d’être estimée par les femmes qui se croient faites pour autre chose que l’amour. C’est Geoffroy qui l’observe ^. Mais la réaction dont Geoffroy se faisait l’interprète un peu pédantesque venait tard; déjà le siècle était fini, et déjà l’étranger s’était approprié les critiques formulées par les Français. Scblegel ne sera guère que l’écho de Voltaire lors- qu’il écrira ces lignes si dures : « Parmi les pièces ofi Cor- neille a peint le caractère de l’esprit public chez les anciens Romains, on distingue surtout la Mort de Pompée. Cette tra- gédie offre des morceaux très frappants, mais en tout il y a plus de pompe que de véritable grandeur, et les hyperboles de Lucain ne s’y reconnaissent que trop. Ce sont des airs de bravoure, des morceaux de rhétorique, faiblement liés entre eux parle fil d’une intrigue mal nouée *. »

1 Réflexions critiques sur la poésie et la peinture, I (1719).

2 Ode V, à M. de Voltaire en faveur de Mlle  de Corneille.

3 Cours de littérature dramatique.

4 Littérature dramatique. II, p. 187.