Aller au contenu

Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/452

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

106 RODOGUNE.

Son retour me fâchait plus que son hyménée,

Et j'aurais pu l'aimer, s'il ne l'eût couronnée.

Tu' vis comme il y fit des efforts superflus :

Je fis beaucoup alors, et ferais encor plus 470

S'il était quelque voie, infâme ou légitime,

Que m'enseignât la gloire, ou que m'ouvrît le crime,

Qui me |)ùt conserver un bien que j'ai chéri

Jusqu'à verser pour lui tout le sang d'un mari.

Dans l'état pitoyable où m'en réduit la suite, 475

��du caractère féminin : « Dans l'histotre, ciéopâtre fait périr son époux par jalousie. Par jalousie? se dit Corneille : ce serait là une femme bien ordinaire. Non : il faut que ma Cléopâtre soit une héroïne capable de se résigner à la perte de son époux, mais non à celle du trône; si son époux aime Rodogune. ce n'est pas tant là ce qui doit la blesser que la pensée de voir Rodogune de- venir reine ainsi qu'elle; cela eM bien plus noble ainsi. A merveille! cela est bien plus noble, mais bien moins naturel. Car d'abord l'orgueil en général est un yice bien moins naturel, bien plus artificiel que la jalousie. En second lieu, l'orgueil chez une femme est encore moins naturel que chez un homme. La nature a formé le sexe faible pour l'amour, et non pour la violence.. Une femme qui n'aime le pouvoir que pour le pouvoir, chez qui tout est subor- donné à l'ambition, qui ne connaît d'autre bonheur que de commander, de tjrranniser et de tenir le pied sur la gorge à tout un peuple, une femme de ce caractère peut avoir existé une fois et même plus d'une fois, mais elle n'en est pas moins une exception ; et quiconque représente une exception prend évidemment pour modèle ce qu'il y a de moins naturel. » {Dramaturgie de Ham- bourg, p. 148-49.) Combien d'héroïnes de Corneille et de Racine condamnent ce jugement somma; -e de Lessing?

467. Fâcher, que critique Voltaire, a beaucoup perdu de sa force, comme fâcheux, employé au v. 87. (Cf. Horace, III, v; Polyeucle. III, v; Nicoviéde, IV, m.) Dans son Leiique de Corneille, M. Godefroy cite un fragment do lettre de Louis XrV, où le roi, avec un peu de sécheresse, il ast vrai, é'-rit que la mort de M"* do Fontanges, bien qu'attendue, n'a pas laissé de lo « fâcher ».

468. « Il ne l'a point couronnée, il a voulu la couronner; ou, s'il l'a épousée en effet, Rodogune veut donc épouser le fils de son mari ? Cette obscurité n'est point éclaircie dans la pièce. » (Voltaire.) » Cette prétendue obscurité n'existe que pour ceux qui auraient lu la pièce sans aucune attention. Relisez (I, iv) le récit de Laonice à Timagène : il est évident que Nicanor voulait épouser Ro- dogune sous les yeux mêmes de Cléopâtre, et déshériter en même temps les fils qu'il avait eus d'elle; mais il périt alors, ou de la main de Cléopâtre, ou dans une embûche qu'elle lui avait dressée, i» (Palissot.)

472. Voltaire ici n'a pas compris Corneille : « Comment, demande-t-il, une voie infâme est-elle enseignée par la gloire? elle peut l'être par l'amliition. » La liaison ou sépare pourtant le vers en deux moitiés qui font antithèse, comme dans le vers précédent infâme et Igilime, dont elles sont le développement sy- métrique 11 faut donc entendre : s'il était quelque voie légitime que m'ensei- gnât la gloire, ou quelque voie infâme que m'ouvrît le crime.

475. l'itoyable, pris alors dans le sens de digne de pitié, et même d'enclin à la pitié, ne s'empluie plus aujourd'hui qu'avec une nuance de mépris. — la suite, f C'est la suite du sang qu'elle a versé. Cola n'est pas net, et cet en (de ce sang) n'est pas heureusement placé. » (Voltaire.) 11 ne faut pas oublier pourtant que nuile (qui se rapports ici moins au mot exprimé snny qu'à Is pensée d'assasmnat) avait alors un sens trèi net, un peu dilférent du sens mo- derne :

Je crains de trop entendre. Et que cette chaleur, qui sent vos premiers feux, « Nr pousse quelque êuiu indigne de tous deux.

(.J'olu<:uct«,lV, t.

�� �