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INTRODUCTION 129

bien loin les allusions qu'ils saisissaient et applaudissaient au passage. Cet étranger qui s'immisce insolemment dans les affaires d'un pays où il commande en maitr'e, ce jeune héros qui se dresse devant lui pour l'arrêter et le braver, ce gloiieux emprisonnement, cette sédition populaire qu'émeut Laodice pour délivrer son amant, à peu prés comme M"^" de Longue- ville essayait de soulever la Normandie pour délivrer son mari et ses fières, toutes ces situations et ces incidents n'étaient pas sans analogie avec ceux d'une crise dont Corneille était le témoin attentif, il a pu s'en souvenir, presque inconsciemment; mais ce n'est point par ces très vagues réminiscences que sa jiii'ce est moderne, c'est par le ton, par l'ironie prolongée, par l'alliage très curieux du familier et du sublime, des paroles retentissantes et des insinuations équivoques, des grandes actions et des petites manœuvres; en un mot, c'est par le mé- lange des héros et des traîtres, par le côté aventureux et ro- manesque.

Voilà par où Nicomède se rattache h l'époque de la Fronde; mais croyons-en le pot^te lui-même, lorsqu'il écrit : « Mon prin- cipal but a été de peindre la politique des Homains au dehors'.»

Que lui donnait l'histoire? qu'a-t-il ajoiiié, retranché ou modilié? A vrai dire, tous les personnages principaux, sauf celui de Laodice, sont historiques dans une certaine mesure. Corneille n'a pas à s'écrier ici : « Voici une étrange entreprise sur l'histoire^; » il aurait droit plutôt de se rendre encore une fois ce témoignage : <( Rien n'y contredit l'histoire, bien que beaucoup de choses y soient ajoutées^. » Au reste, il ne s'est jamais interdit la faculté, nécessaire au poète, de modifier les données historiques en les accommodant à la nature de son génie et à l'esprit de son temps. Volontiers il s'accuse d'avoir « falsifié » l'histoire, et dédaigne de s'en justifier, sauf à con- seiller aux autres de ne pas suivre son exemple : « Je ne me mettrai pas en peine de-justifier celte licence que j'ai prise : l'événement l'a assez justifiée... Mais, à parler sans fard, je ne voudrais pas conseiller à personne de la tirer en exemple. C'est beaucoup hasaider, et l'on n'est pas toujours heureux . » Ce qui revient à dire : Soyez poète, et vous aurez droit de créer en renouvelant, car on n'est vraiment poète que dans la mesure où l'on possède l'imagination créatrice; mais con- sultez d'abord vos forces : car, si vous échouez, vous aurez

��1. Eïamen de Nicomède.

2. Au lecteur d' fféraclius.

3. Examen de Cinna.

À. Au lecteur A' Héraclxu».

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