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Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/170

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5S8 NICOMÈDE

Flaminius, les perfidies d'Aisinoé, les làchelés de Prusias. D'où vient pourtant que ce caractère de Laodice parait un peu abstrait et froid? Cosl qu'ici l'on peut, à la rigueur, se passer d'elle; c'est que même elle ne semble pas toujours à sa place dans ce drame tout historique, où elle est, observe IVaudct, le seul personnage vraiment romanesque. On n'isole point, même par la pensée, Chimène et Pauline du Cid et de Folyeucte; le combat du devoir et de la passion n'existerait pas sans elles. Ici, point de passion en lutte contre le devoir; tout au contraire, le devoir et la passion y sont tellement d'accord, qu'on est tenté de regretter la lutte morale absente. Loin de trouver un obstacle dans l'amour de Laodice, Mco- méde y trouve un appui : leurs volontés, leur but, leurs es- pérances et leurs craintes sont les mêmes. A de certains moments leurs deux rôles semblent se confondre, et l'on se demande s'ils ne font pas double emploi. C'est à peine si l'on remarque l'absence de iMcomède en quelques scènes impoi'- tanles : Laodice est là, et parle pour lui comme il eût parlé. Que représente-t-elle, après tout, en dehors d'elle-même? L'amour, mais un amour de tête plus encore que de cœur, un amour plus héroïque et raisonneur que tendre et vraiment féminin. Elle n'est pas assez femme : il lui manque un certain charme de jeunesse et d'ingénuité, une certaine fraîcheur d'impressions, un cerlain abandon mélancolique ou craintif. On la voudrait plus faible, moins sûre d'elle-même, moins énergiquement virile, plus voisine, en un mot, de Chimène que d'Emilie. Encore l'amour d'Emilie pour Cinna est-il tra- gique au plus haut point, puisqu'il fait le crime et le mal- heur de Cinna égaré et repentant. Dans le système habituel de Corneille, les amants se séparent pour se réunir après des épreuves diverses; ici ils ne sont pas, ils ne peuvent pas être séparés. Ce n'est pas de ce côté qu'est le péril, ni par suite l'intérêt.

Toutefois, pour ne pas être injuste envers ce caractère, qu'on retrouvera plus héroïque encore et plus abstrait dans Œdipe, Sertorhis, Sophonisbe, et en général dans les tragédies de la dernière période, il faut reconnaître que Laodice n'at- teint pas du premier coup à ces hauts sommets vers lesquels son amant la guide. Alors que Nicomède ne doute de rien, elle est en proie à des inquiétudes vagues, trop justifiéps; plus clairvoyante peut-être, de sens plus rassis et d'esprit plus pratique que sou belliqueux amant, elle sait non seulement tous les obstacles qu'il lui faudra surmonter, mais tous les pièges auxquels on essayera de le prendre. Elle ne lui ménage ni les avertissements ni les objections. Seulement, l'héroïsme

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