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286 NICOMÈDE

S'abandonne aux fureurs d'une terreur panique,

Que ce vieillard confie et gloire et liberté

Plutôt au désespoir qu'à riiospitalité,

Ces terreurs, ces fureurs, sont de mon artifice.

Quelque appas que lui-même il trouve en Laodice, 1180

C'est moi qui fais qu'Attale a des yeux comme lui;

C'est moi qui force Rome à lui servir d'appui;

De cette seule main part tout ce qui le blesse,

Et pour venger ce maître et sauver sa maîtresse,

S'il a tâché, Seigneur, de m'éloigner de vous, H 80

Tout est. trop excusable en un amant jaloux.

Ce faible et vain effort ne touche point mon âme.

Je sais que tout mon crime est d'être votre femme;

Que ce nom seul l'oblige à me persécuter :

��était protégé par cette foi publique, et pourtant ne se croyait pas en sûreté. Arsi- noé veut faire passer pour un suicide le meurtre d'Annibal, dont elle n'a pas craint pourtant de se déclarer responsable dans la scène 5 de Parle '. Ici encore le souvenir d'Annibal est perûdement évoqué, de façon à réveillcM' les défiances et les inquiétudes de F'nisias.

1176. >. Fm-eurs d'une triTeur est un contre-sens : fureur est le contraire de la crainte. " (Voltaire.) — « î<ous ne prétendons pas justifier les furp.urs d'une terreur panique; mais il n'est pas toujours vrai que la liireur soit incompatible avec la crainte. Voltaire, dans le poème de Funtenoi, prête au Rhin de la fureur, quoique ce fleuve soit effrayé :

« Ce (lieu même en fureur, effrayé du passage,

« Cédant à nos aïeux son onde et son rivage. » (Palissot.)

Il L'empire des habitudes latines domine trop Corneille ici : fureurs est pris au sens de ftiror, folie, démence, égarement d'esprit. Dans la scène suivante ce mot se reproduit encore dans la même acception. "(Xaudet.) Il n'est pas besoin d'aller jtisqu'au V. 1340 pour préciser le sens du mot fureur. Deus vers plus bas. ce mot est remplacé par le mot désespnir. C'est donc l'égarement du désespoir, d'un désespoir injustifié, qui a décidé Annibal, selon .\rsinoé, à se donner la mort. Sur ce terme de terreur panique, voyez la note du v. 331.

1177. On a vu déjà que Corneille omet volontiers l'article. Il écrit, par exemple : « Diit-il m'en coûter trône et vie. •> [Tite, 1047.) Voyez le v. 1642, dont le dernier hémistiche est identique à celui-ci.

1178. Prusias peut-il croire vraiment qu'Annibal se soittuépar un «désespoir" imaginaire, par une défiance injuste de son liôle, qui ne l'eût pas livré? 11 ne faut pas oublier les révélations qu'Arsinoé fait à Cleone au premier acte : elle et Fla- niinius ont tout fait. Peut-être Prusias se croit-il innocent de cette mort, qu'il n'a pas empêchée, mais qu'il n'a pas non plus directement ordonnée.

1180. Appas, et non appât; c'est l'orthographe constante de Corneille, sans distinction de nombre. Il semblerait qu'ici le pluriel quelques appas fût plus na- turel ; mais Corneille prend ce mot dans le double sens de charme (attrait, a|)pàt, ce qui amorce et séduit) et de charmes (beauté -d'une personne).

Ta vie et ton honneur sont de faibles nppas. (Cid, 15V8.)

Je le vois; mais mon cœur, d'un saint zèle enflammé.

N'eu goùle plus Vajtpas dont il était charmé. [Pohjcnfte, 1158.)

1182. Lui, au vers précédent, se rapporte à Nicomède. et ici à Attale. 11 y a li une légère amphibologie.

1184. Voyez la note' du v. 252.

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