Page:Corneille Théâtre Hémon tome4.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

SUR PERTHARITE 341

Son sort est en vos mains : aimer ou dédaigner Le va faire périr ou le faire régner *.

Mais Corneille n'a pas su tirer parti de cette situation tragique, dont l'effet est si grand chez Racine ; il l'a gâtée par d'étranges inventions. Pressée et désespérée, Rodelinde cède, mais impose une condition : ce fils menacé, Grimoald le tuera de sa propre main en épousant la mère, car elle ne veut s'unir au tyran que pour le rendre encore plus odieux et l'entraîner à sa perte. Dès lors, on ne la comprend plus : à quoi bon ce sacrifice de sa per- sonne, s'il ne doit pas lui épargner un sacrifice plus douloui*eux encore, et préserver les jours de sou fils '.'

Effrayé par cette offre inattendue, Grimoald revient à la jalouse Edùige ; mais, à son tour, celle-ci refuse d'être reine, car son frère Pertharite, qu'on avait cru mort, vient de reparaître, et elle se refuse à être la complice de l'usurpateur, qui voit un impos- teur dans le roi légitime. Vieilli parla souffrance et par l'humilia- tion, le prince lombard n'est pas un adversaire redoutable : d'avance, il est résigné à la mort ; il se félicite même de laisser, par sa mort, sa femme heureuse avec Grimoald. Ici, l'on est plus près de Polyeucte que à' Andromaque . Rodelinde, d'ailleurs, re- pousse, avec la même énergie que Pauline, Tidée d'un bonheur acheté à ce prix. Plus que jamais, la situation est inextricable. C'est Ediiige , l'Hermione cornélienne, qui la dénoue; mais le dé- nouement n'a rien de sanglant. Il est vrai que le traître Garibalde est tué en essayant de s'opposer à l'évasion de Pertharite ; mais la duplicité de cet ambitieux, dont tous les actes sont inspirés moins par l'amour ou le dévouement que par l'intérêt personnel, nous l'a rendu insupportable. Il est vrai aussi que Pertharite est repris et amené devant le tyran, qu'il brave en face ; mais le tyran est bon prince : avec une générosité presque surhumaine, dont nous craignons bien que Pyrrhus n'eût pas été capable, il rend au vaincu son royaume, et se contente, pour sa part, de Pavie et d'Edûige.

Cette tragédie s'achève donc en vaudeville. Elle n'en est pas moins curieuse à un double titre : d'abord, par la comparaison qu'elle appelle au second et au troisième acte avec Andromaque, mais qu'elle ne soutient pas jusqu'au bout ; ensuite, par la date

1. Acte III, se. 1.

�� �