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532 ÉTUDE

tique. C'est la part du temps, qu'il faut faire dans la plupart de ses œuvres. Ici, par exemple, il réédite, pour la vingtième fois peut-être, sa théorie de l'amour irrésistible et fatal, chère aux ro- manciers du xviie siècle et de tous les siècles. Le trop galant Do- mitiau explique par là comment il gagna le cœur de Domitie :

Elle m'en fit le don dès la première vue, Et ce don fut l'effet d'uue force imprévue, De cet ordre du Ciel qui verse en nos esprits Les principes secrets de prendre et d'être pris.

Mais aussi à cette mode des dissertif^'ius et des maximes nous devons quelques-uns des plus beaux va.o que Corneille ait écrits. Son Titus meurt trop par métaphore, mais parfois avec quelle grandeur mélancolique !

La vie est peu de chose; et, tôt ou tard, qu'importe Qu'un traître me l'arrache, ou que làge l'emporte? Nous mourons à toute heure; et dans le plus doux sort Chaque instant de la vie est un pas vers la mort'.

Voilà, nous le répétons, ce qui permettait encore à une Sévigné d'applaudir un Corneille. Si l'on en croit une tradition générale- ment acceptée, Tite et Bérénice aurait eu pour les contemporains un intérêt plus actuel. « Bérénice, dit Fontenelle^, fut un duel dont tout le monde sait l'histoire. Une princesse, fort touchée des choses d'esprit, et qui eût pu les mettre à la mode dans un pays barbare, eut besoin de beaucoup d'adresse pour faire trouver les deux combattants sur le champ de bataille, sans qu'ils sussent où on les menait. Mais à qui demeura la victoire? Au plus jeune. » Louis Racine, dans ses Mémoires, ne fait guère que répéter Fon- tenelle. C'est longtemps après, et sans indiquer les sources où il puisait, que Voltaire a écrit : « Henriette d'Angleterre, belle-sœur de Louis XIV, voulut que Racine et Corneille fissent chacun une tragédie des amours de Titus et de Bérénice. Elle crut qu'une vic- toire obtenue sur l'amour le plus vrai et le plus tendre ennoblis- sait le sujet, et en cela elle ne se trompait pas; mais elle avait en-

1. Le dernier vers est presque textuellement emprunté par Corneille à sa tra- duction de V Imitation. Nicole s'en est souvenu dans ses Essais de morale, et, de nos jours, C. Delavigne dans son Louis XI.

2. Vie de Corneille.

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