68 ÉTUDE
��Épargne ma douleur, juges-eu par sa cause, Et va, sans me forcer à te dire autre chose.
ANDROMÈDE.
Seigneur, je vous l'avoue, il est bien rigoureux
De tout perdre au moment qu'on se doit croire heureux î
Et le coup qui surprend un espoir légitime
Porte plus d'une mort au cœur de la victime.
Mais enfin il est juste, et je le dois bénir :
La cause des malheurs les doit faire finir.
Le Ciel, qui se repent sitôt de ses caresses,
Verra plus de constance en moi qu'en ses promesses:
Heureuse, si mes jours un peu précipités
Satisfont à ces dieux pour moi seule irrités,
Si je suis la dernière à leur courroux offerte.
Si le salut public peut naître de ma perte!
Malheureuse pourtant de ce qu'un si grand bien
Vous a déjà coiitc d'autre sang que le mien.
Et que je ne suis pas la première et l'unique
Qui rende à votre Etat la siireté publique !
PHINÉE.
Quoi ! vous vous obstinez encore à me trahir ?
ANDROMÈDE.
Je vous plains, je me plains, mais je dois obéir.
La prière de l'Iphigéuie de Racine, dont la situation est à peu près la même, a quelque chose assurément de plus discret et de plus touchant ; Andromède « ne manque pas à la magnanimité qui est de règle pour les héroïnes de théâtre * ». Mais Corneille ne prévoyait pas Racine et se souvenait de Rotrou, qui faisait dire à son Iphigénie, aussi cornélienne qu'Andromède :
Sachant que le bonheur naîtra de mon trépas.
N'est-ce pas lâcheté que de n'y courir pas ?
Le prince est tout aux siens, comme tout est au prince.
Vous m'avez engendrée à toute la province ;
Si vos soins, si vos vœux, si votre sang est sien,
Puisque je suis à vous, vous lui devez le mien...
Laissez donc accomplir les vœux de la déesse;
Je lui donne mon sang, je le donne à la Grèce 2.
��1. Saint-Marc Girardin, Cours de littérature dramatique.
2. Rotrou, Iphigénie, IV, 5.
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