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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

a faite, en lisant notre déplorable récit, M. Jay, dont nous aimons à citer l’autorité, « pour supporter les maux extrêmes, et, ce qui est digne de remarque, les grandes fatigues, l’énergie morale est bien plus nécessaire que la force physique, que l’habitude même des privations et des travaux pénibles. Sur cet étroit théâtre, où tant de douleurs se réunissaient, où les plus cruelles extrémités de la faim et de la soif se faisaient sentir, des hommes vigoureux, infatigables, exercés aux professions les plus laborieuses, succombèrent l’un après l’autre sous le poids de la destinée commune, tandis que des hommes d’un faible tempérament, qui n’étaient point endurcis à la fatigue, trouvèrent dans leur âme la force qui manquait à leur corps, soutinrent avec courage des épreuves inouïes, et sortirent vainqueurs de cette lutte contre les plus horribles fléaux. C’est à l’éducation qu’ils avaient reçue, à l’exercice de leurs facultés intellectuelles, à l’élévation de leurs sentimens, qu’ils furent redevables de cette étonnante supériorité et de leur salut. »

Nous reprenons notre récit.

Lorsque la tranquillité fut un peu rétablie, nous nous occupâmes de chercher sur le radeau, les cartes, le compas de route et l’ancre que nous présumions y avoir été déposés, d’après ce qu’on nous avait dit au moment où nous quittâmes la frégate. Ces objets de première nécessité n’avaient point été mis sur notre machine. Le défaut de boussole, surtout, nous alarma