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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.


CHAPITRE VI.
On se résout à manger les morts : dix hommes expirent pendant la quatrième nuit. — On prend des poissons volans. — Complot découvert ; nouveau combat. — Il ne reste que trente hommes sur le radeau. — Deux militaires jetés à la mer. — Mort du jeune Léon. — Douce blessés sont aussi jetés à la mer. — L’apparition de quelques papillons annoncent la terre. — Tourment de la soif.


Les infortunés que la mort avait épargnés dans la nuit désastreuse que nous venons de décrire se précipitèrent sur les cadavres dont le radeau était couvert, les coupèrent par tranches, et quelques-uns même les dévorèrent à l’instant. Beaucoup néanmoins ni touchèrent pas ; presque tous les officiers furent de ce nombre. Voyant que cette affreuse nourriture avait relevé les forces de ceux qui l’avaient employée, on proposa de la faire sécher pour la rendre un peu plus supportable au goût. Ceux qui eurent la force de s’en abstenir prirent une plus grande quantité de vin. Nous essayâmes de manger des baudriers de sabres et des gibernes ; nous parvînmes à en avaler quelques petits morceaux. Quelques-uns mangèrent du linge ; d’autres des cuirs de chapeaux sur lesquels il y avait un peu de graisse ou plutôt de crasse ; nous fûmes forcés