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NAUFRAGE DE LA MÉDUSE.

avidité d’urine qu’on faisait refroidir dans de petits vases de fer-blanc. On mettait le petit gobelet dans un endroit où il y avait peu d'eau, pour que l’urine refroidît plus promptement. Il est souvent arrivé que ces vases aient été dérobés à ceux qui les avaient préparés. On remettait bien le gobelet à celui auquel il appartenait, mais après avoir bu le liquide qu'il contenait M. Saviguy a observé que quelques-uns de nous avaient l’urine plus agréable à boire, il y avait un passager qui ne put jamais se décider à en avaler ; il la donnait à ses compagnons ; elle n’avait pas réellement un goût désagréable. Chez plusieurs elle devint épaisse et extraordinairement âcre. Cette boisson produisait un effet tout-à-fait digne de remarque, c’est qu’à peine l’avait-on bue, qu’elle occasionnait une nouvelle envie d’uriner. Nous cherchâmes aussi à nous désaltérer en buvant de l'eau de mer. M. Grillon, secrétaire du gouverneur, en fit un usage continuel ; il en buvait dix et douze verres de suite. Mais tous ces moyens ne diminuaient notre soif que pour la rendre plus vive le moment d’après.

Un officier de troupes de terre trouva par hasard un petit citron, et l’on sent combien un pareil finit lui devenait précieux ; aussi le réservait-il pour lui seul. Ses camarades, malgré les supplications les plus pressantes, ne pouvaient rien obtenir ; déjà s’élevaient dans tous tes cœurs des mouvemens de rage, et s’il ne se fût rendu en parue aux sollicitations de ceux qui l’entouraient, on le lui aurait certainement enlevé