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CHAPITRE VI.

et toute la fermeté dont ils étaient capables leurs cerveaux malades conservaient fixement la folle idée qui les dominait, et un nouveau combat était près de s’engager. Cependant, après des peines infinies, nous commencions à ramener MM. Clairet et Coudin à la raison, ou plutôt celui qui nous protégeait acheva de dissiper cette funeste querelle en détournant notre attention sur le nouveau danger qui vint nous menacer au moment où la cruelle discorde allait peut-être éclater parmi des malheureux déjà en proie à tant d’autres maux ; c’était une troupe de requins qui vinrent entourer notre radeau. Ils s’en approchaient de si près, que de dessus nous pûmes les attaquer à coups de sabre, mais nous ne pûmes triompher d’un seul de ces ennemis, malgré la bonté de l’arme que nous possédions et l’ardeur avec laquelle s’en servait le brave Lavillette. Les coups qu’il portait à ces monstres les faisaient rentrer dans la mer, et quelques secondes après ils reparaissaient à la surface, et ne semblaient nullement effrayés de notre présence : leur dos s’élevait d’environ 30 centimètres au-dessus de l’eau ; plusieurs nous parurent avoir au moins 10 mètres de longueur.

Trois jouis se passèrent dans des angoisses inexprimables nous méprisions tellement la vie, que plusieurs d’entre nous ne craignirent pas de se baigner à la vue des requins qui entouraient notre radeau ; quelques autres se mettaient nus sur le devant de notre machine qui était alors submergée : ces moyens dimi-